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Mise à jour : 03/07/2008 18:34:51

Renouveau des relations voyageurs dans le sud de la province de Luxembourg

Au coeur de l'Entre-Sambre-et-Meuse

En marge d’une électrification…

Bruxelles–Le Caire

Aux sources de l’Ourthe orientale

De la vapeur aux trains IC...

Renouveau des relations voyageurs dans le sud de la province de Luxembourg.

Réouverture du trafic ferré voyageurs entre Virton, Arlon et Luxembourg

Le 8 décembre dernier, de nouvelles liaisons «voyageurs» ont été inaugurées dans le sud de la Province de Luxembourg, entre Virton et Arlon via Rodange et Athus d’une part, Virton et Luxembourg via Rodange d’autre part.

LE RETOUR DES TRAINS DE VOYAGEURS À L’EST DE VIRTON

C’est en 1984, à l’occasion de la mise en place du plan IC-IR, que la décision fut prise de ne plus faire circuler de trains de voyageurs réguliers à l’est de Virton. Les autorails série 44 et 45, chargés à l’époque de la desserte voyageurs des lignes non électrifiées de la Province de Luxembourg, étaient désormais cantonnés à une liaison toutes les deux heures entre Bertrix et Virton, cette dernière gare devenant ainsi un cul-de-sac ferroviaire pour les voyageurs. À l’autre bout de la ligne, seuls les trains de pointe étaient maintenus entre Arlon et Athus, en correspondance avec les trains IC originaires de Bruxelles, pour quatre ans encore.

La gare d’Athus restait, elle, desservie par les trains de voyageurs luxembourgeois à destination de Luxembourg.

VIRTON-ATHUS, ANCIENNE LIGNE DES MINEURS ET DES SIDÉRURGISTES

Lors de l’inauguration du 8 décembre, les anciens n’ont pas manqué d’égrener les souvenirs des navetteurs qui prenaient jadis le train sur les lignes Arlon – Athus et Virton – Athus. Ces deux lignes ravivèrent le souvenir du passé industriel de la Lorraine, qui possédait à la fin du XIXe et pendant la première partie du XXe siècle l’un des gisements de minerai de fer les plus riches au monde. Le sud de la Gaume y était partie prenante grâce aux mines de Musson et de Halanzy, portion belge du gisement de minette, au point de devenir, dès 1946, les dernières mines de fer exploitées dans le royaume, jusqu’à leur abandon en 1978.

C’est précisément pour mettre en valeur leur production que le premier tronçon Athus-Signeulx, de l’axe Athus-Meuse, fut construit et ouvert au trafic des marchandises le 6 novembre 1876, avec un tracé dans la vallée de la Vire, qui passait au pied des gîtes miniers de Musson et de Halanzy. Quatre ans plus tard, en décembre 1880, l’Athus-Meuse était prolongé jusqu’à Gedinne, puis en 1898, jusqu’à Neffe, afin de faire la jonction avec la ligne Nord Belge, Givet - Dinant – Namur, de la vallée de la Meuse. La région ferreuse de Halanzy - Musson était ainsi reliée au nord avec les bassins charbonniers et sidérurgiques de Charleroi et de Liège, et à l’est avec le nœud ferroviaire d’Athus, connecté au grand-duché de Luxembourg (Rodange) et à la France (Longwy), avec accès au bassin sidérurgique de ces deux pays.

Bien vite, on s’aperçut que la minette pulvérulente supportait mal le voyage vers Charleroi ou Liège, et qu’il valait mieux la valoriser sur place: voilà l’origine des hauts fourneaux au pied des mines de Halanzy et de Musson, ainsi que des installations voisines de Gorcy en France, qui durent être reliées au rail belge - à Signeulx précisément - par une curieuse ligne privée de chemin de fer international, le Chemin de fer de Gorcy à la frontière belge vers Signeulx, dont la création en 1877 fut dûment autorisée au plus haut niveau à Paris et à Bruxelles. Mais, une fois la fonte obtenue sur place dans les hauts fourneaux, les industriels locaux préférèrent la faire transformer dans les aciéries et laminoirs liégeois ou carolorégiens. À Athus par contre, un ensemble sidérurgique moderne plus complet vit le jour, à partir de 1874, lors de la mise à feu de son premier haut fourneau.

Cette intense activité industrielle, qui connut son apogée pendant la première moitié du XXe siècle aussi bien dans le sud de la Gaume que dans la Lorraine française ou dans le sud du grand-duché, nécessita un gros apport de main-d’œuvre. Si des vocations de mineurs et d’ouvriers sidérurgistes apparurent dans les familles locales, elles ne suffirent pas à combler l’importante demande. Aussi, côté belge, c’est le pays d’Arlon, de Virton... et même de Bertrix qui fournit les ouvriers dont la sidérurgie avait besoin.

Le chemin de fer était le seul moyen de communication de masse pour transporter journellement cette main-d’œuvre de sa campagne natale à son lieu de travail. Dès le tournant du XXe siècle, les lignes Arlon – Athus, Bertrix – Virton - Athus, sans oublier la défunte ligne Marbehan-Virton, étaient parcourues - aux heures des pauses (6h, 14h, 22h) - par des trains de main-d’œuvre omnibus de grande capacité. À l’époque où les moyens de transport individuels se résumaient à la marche à pied ou au vélo, mineurs et ouvriers sidérurgistes convergeaient à l’usine en train, de tout le sud de la Province de Luxembourg, pour améliorer l’ordinaire de leur famille, car l’exploitation agricole locale ne rapportait plus guère.

Sur la ligne Virton – Athus, chaque point d’arrêt était un endroit de débarquement des ouvriers: pour les usines françaises de Gorcy, on descendait au point d’arrêt de Baranzy, jusqu’à ce que – d’après des sources locales non confirmées - l’entreprise se décide à acheter du matériel voyageurs de réemploi pour venir chercher ses ouvriers en gare de Signeulx, grâce à «son» chemin de fer. Les gares de Musson et de Halanzy étaient les points de chute tous désignés pour les hauts fourneaux et les mines locales. Quant à Athus, c’était la gare d’arrivée de centaines d’ouvriers: il y avait non seulement la main-d’œuvre pour l’usine locale, distante d’un bon kilomètre parcouru... à pied, mais aussi les ouvriers pour les usines luxembourgeoises de Rodange ou Differdange, et françaises de Mont-Saint-Martin ou Longwy. Pour s’y rendre, lorsque la marche à pied ne suffisait pas, il fallait prendre les trains en correspondance, ou laisser un vélo en consigne à Athus... si l’on voulait éviter les frais d’un billet international. Et il fallait compter avec le passage de la douane, très sévère à une époque où le tabac était beaucoup moins cher en Belgique, et où le «pinard» ne coûtait pas grand-chose côté français. Pour les ouvriers dont le lieu de travail était trop éloigné du domicile, une autre solution était de louer sur place une chambre «en pension» pour la semaine: ainsi en était-il pour ceux qui travaillaient du côté de Longuyon.

Le titre de transport ouvrier était le «coupon de semaine», une invention de gouvernements belges qui se méfiaient des grandes concentrations d’ouvriers, jugées faciles à mobiliser politiquement, et qui souhaitaient par ailleurs éviter le dépeuplement des campagnes.

Ainsi, garde-t-on le souvenir de véritables épopées hivernales pour rejoindre le lieu de travail, avec départ à 4 h du matin de la ferme familiale et trajet avec vélo sur les épaules, vu le verglas généralisé, pour rejoindre la gare, et le parcours en train où chacun s’assoupissait sur les banquettes en bois des voitures «GCI» mal chauffées. On rappelle même le cas de cet ouvrier de Muno, qui partait de chez lui à 3h1/2 du matin en vélomoteur pour rejoindre la gare de Florenville, où il prenait son train jusqu’à Athus. Il y retrouvait un vélo, déposé à la consigne de la gare, pour rejoindre l’usine de Rodange. Il n’était jamais de retour chez lui, à Muno, avant 17 heures: on chuchotait que son épouse n’avait jamais voulu quitter son village natal...

Ces trains de main-d’œuvre toujours bondés transportaient aussi d’autres clients, comme les représentants de commerce, ou les élèves des nombreuses écoles de Virton: le réputé Institut des arts et métiers Pierrard, mais aussi l’athénée, l’école normale, le pensionnat ou le collège Saint-Joseph. Des compartiments entiers leur étaient réservés... où l’ambiance, on le devine, était un cauchemar pour les chefs-gardes. Pour la petite histoire, les dames seules, elles aussi, avaient droit à un compartiment séparé, assurément plus calme.

Il y avait aussi le marché de Virton, le vendredi, où accouraient celles et ceux qui venaient vendre les produits de leur ferme, ou acheter ce qu’ils ne trouvaient pas dans leur village.

N’oublions pas les cheminots... car le chemin de fer était devenu un gros employeur dans une région sidérurgique où en l’absence de voies d’eau navigables  le rail était le moyen de transport de prédilection pour les produits miniers et sidérurgiques. Ainsi, la mise en service de la remise à locomotives et des ateliers de réparation de Latour, près de Virton, en 1929, généra la création de centaines de postes de travail, à tel point que les perspectives d’emploi des jeunes Gaumais se résumaient souvent à l’embauche à l’usine ou au chemin de fer, la première payant souvent beaucoup mieux que le second.

Ces flux de trafic ouvrier animèrent les lignes Arlon – Athus et Virton – Athus jusqu’à la fin des années 1950.

Alors, l’état du réseau routier s’améliora, tandis que les familles commencèrent à s’équiper de voitures bon marché: c’était l’époque des 2 CV, des Fiat 500 et autres «Coccinelle». Les usines, où la mécanisation des processus permettait de limiter la main-d’œuvre, commencèrent à organiser le ramassage de leurs ouvriers par des autocars privés. La SNCB, elle, s’adapta à la diminution corrélative de sa clientèle ouvrière, en mettant en service des autorails diesel, à la grande colère des voyageurs qui les trouvaient de capacité trop réduite, les comparants à des «cages à poule»: les autorails à deux essieux type 551, apparus juste après la libération, furent remplacés par les 553, plus spacieux. Quant aux autorails type 603 (future série 43), apparus dès 1955, ils permirent la dieselisation des services voyageurs sur l’Athus-Meuse au sud de Dinant. Ils furent remplacés par les autorails série 45 entre 1980 et 1984: ceux-ci assurèrent les derniers services de voyageurs entre Virton, Athus et Arlon. Entre-temps, la grande crise sidérurgique était passée par là, provoquant notamment la fermeture complète des installations d’Athus en 1977, la disparition de l’usine de Halanzy et une rationalisation drastique à Rodange en 1978.

Une bonne partie de la clientèle traditionnelle de la relation voyageurs Virton-Athus -Arlon disparut ainsi, et la baisse de fréquentation corrélative servit de justification au remplacement des autorails par des autobus à l’est de Virton en juin 1984.

QUAND TOUT A CHANGÉ VINGT ANS PLUS TARD.

Si la sidérurgie gaumaise a disparu, de nombreux emplois dans le secteur tertiaire essentiellement ont été créés au grand-duché de Luxembourg au plus grand profit des habitants de la Province de Luxembourg. Mais toute médaille a son revers: des problèmes de mobilité de plus en plus préoccupants se sont développés à Luxembourg et au sud du grand-duché, lesquels ont amené les autorités grand-ducales et belges à trouver des solutions nouvelles pour améliorer les déplacements des navetteurs frontaliers. Ils sont aujourd’hui 30 000 à se déplacer journellement de Belgique vers le grand-duché: 11 400 de l’Ardenne rurale, 6 900 d’Arlon, 2 400 de Messancy, 4 400 d’Aubange et 5 600 de Virton (à peine 24,1 % de ces navetteurs utilisent les transports en commun, trains ou autobus). L’expérience d’une desserte intensive par train est par ailleurs concluante entre Arlon et Luxembourg, où le rail capte 48 % de parts de marché avec 37 trains par jour et par sens de circulation.

Pourquoi dès lors ne pas tenter la même expérience au départ de Virton? Les demandes locales, relayées par le monde politique étaient fortes, et les conditions techniques beaucoup plus favorables qu’en 1984, au moment de la suppression du trafic des voyageurs à l’est de Virton: l’artère Athus-Meuse a été modernisée de bout en bout et électrifiée dans les années 1990, tandis que de nouveaux autorails confortables série 41 sont disponibles dans la région.

QUAND LE RAIL OFFRE UNE SOLUTION FIN 2006.

Côté SNCB, la solution retenue a été la prolongation du service «L» Libramont – Bertrix – Virton, mis en place toutes les deux heures depuis 1984 et aujourd’hui assuré par des autorails série 41, jusqu’à Arlon via Athus: l’astuce a été de profiter de la «courbe de Rodange» pour amener l’autorail jusqu’à la première gare luxembourgeoise – Rodange – où il fait «tête à queue». Il assure ainsi la correspondance d’un train direct des CFL pour (ou de) Luxembourg. Ainsi est-il possible de voyager entre Virton et Luxembourg en une heure (contre 1 h20 minimum en voiture). L’autorail repart alors vers Arlon via Athus: ici aussi, le rail devient compétitif, puisqu’il relie Virton au chef-lieu de province en moins d’une heure, ce que le transport routier ne permet pas, vu les caractéristiques peu performantes de la route reliant Virton à Arlon.

Côté CFL, trois trains directs d’heure de pointe par sens ont été mis en ligne entre Luxembourg et Virton, abaissant le temps de parcours entre les deux villes à 55 minutes. Ici aussi, du matériel climatisé, flambant neuf, à traction électrique et à grande capacité (voitures à deux niveaux) est engagé.

De la sorte, aux heures de pointe, une desserte à la demi-heure est assurée entre Virton et Luxembourg depuis le 11 décembre dernier.

On le devine aisément: les voyageurs potentiels ciblés par les deux opérateurs (SNCB et CFL) sont la clientèle transfrontalière vers le grand-duché, la clientèle scolaire intérieure et transfrontalière (les établissements d’enseignement d’Arlon et de Virton sont renommés au-delà de nos frontières), les navetteurs intérieurs et... pourquoi pas... les voyageurs occasionnels séduits par un moyen de transport plus rapide que la route.

RAFRAÎCHISSEMENT DES INSTALLATIONS DE VIRTON

Une bonne nouvelle ne vient jamais seule... La SNCB Holding a profité de cette réouverture pour rendre les installations de Virton plus avenantes. Le bâtiment de gare actuel, datant de 1881-1882 et frère jumeau de celui de Tamines, a subi un «coup de fraîcheur» bienvenu: rénovation totale de la marquise protégeant le quai n° 1 (sablage, métallisation, peinture, renouvellement des vitres), enlèvement des mousses de la toiture, nettoyage des façades, peinture des boiseries et corniches. La salle des pas perdus a, elle aussi, été rafraîchie.

Bref, un investissement en grande partie réalisé par le personnel du centre technique de Libramont, de la division Patrimoine de la SNCB Holding.

En outre, il était impératif de prévoir des places de parking en nombre suffisant devant la gare: grâce à la collaboration de la ville, la capacité de parking a été portée à une centaine de places à Virton.

NOUVEAUX POINTS D’ARRÊT À HALANZY, AUBANGE ET MESSANCY

Pour donner plus de chances à la nouvelle desserte de trouver ses voyageurs, l’opportunité de rouvrir d’anciens points d’arrêt des lignes Virton – Athus et Arlon – Athus a été étudiée. L’arrêt à Athus s’imposait, sans poser de problème technique particulier puisque cette gare est toujours desservie par les trains de voyageurs des CFL. Il apparut d’emblée que les anciennes gares de Halanzy, d’Aubange (ligne Virton – Athus) et de Messancy (ligne Arlon – Athus) méritaient d’être desservies pour drainer la clientèle vers le grand-duché de Luxembourg. Si la région de Virton – Arlon a une densité de 100 à 200 habitants au km2, on peut constater des pointes de 300 à 400 habitants au km2 du côté de Halanzy, d’Aubange et de Messancy. En outre, dans les trois cas, la ligne de chemin de fer passe au milieu de l’agglomération, tandis que des terrains sont disponibles pour l’aménagement de parkings pour lesquels la Région wallonne a promis des subsides. Ajoutons encore que les points d’arrêt de Halanzy et d’Aubange, situés à un jet de pierre de la frontière française, pourraient attirer des navetteurs lorrains, confrontés aux mêmes problèmes de mobilité que leurs homologues gaumais.

Reste le problème des quais des gares de Halanzy, Aubange et Messancy, sacrifiés lors des grands travaux de modernisation et d’électrification de l’axe Athus-Meuse qui ont occupé la dernière décennie du XXe siècle. De nouveaux quais doivent donc être construits; le chantier devrait commencer en ce début du mois de mars, si les conditions climatiques le permettent. Tout a été planifié pour que chaque halte soit mise en service dès qu’elle sera techniquement prête (en mai-juin 2007 sans doute), indépendamment des périodes de changement d’horaires.

ET LES TARIFS?

Le train doit présenter une offre attractive, non seulement en termes d’horaires, de ponctualité, de possibilités de parking... mais aussi de tarifs.

De nouveaux tarifs, plus avantageux, ont été négociés entre les deux opérateurs ferroviaires: ainsi, le billet aller-retour Virton – Luxembourg est proposé à 10,60 euros (avec 60% de réduction par rapport au barème normal). Quant à la carte train-trajet, elle coûterait 112,50 euros pour un mois... tandis que la carte train-scolaire s’élèverait à 15,00 euros (les étudiants voyagent gratuitement sur le réseau luxembourgeois).

LE SUD-LUXEMBOURG ET LE RAIL: UN AVENIR PROMETTEUR

Depuis le 11 décembre dernier, les trains de voyageurs roulent à nouveau, les jours ouvrables, entre Virton, Arlon et Luxembourg. Le développement des activités ferroviaires dans le sud du Luxembourg belge est donc aujourd’hui une réalité. Après la modernisation et l’électrification de la ligne Athus-Meuse, finalisée en 2002, et la réouverture au trafic des voyageurs des relations de Virton vers Arlon et Luxembourg, Infrabel vient de lancer de grands travaux de modernisation de l’axe Bruxelles – Luxembourg: prévus pour la période 2006 - 2013, ils devraient notamment permettre d’augmenter la vitesse des trains de 130 à 160 km/h partout où c’est possible et améliorer ainsi sensiblement les temps de parcours du grand-duché de Luxembourg vers la capitale de l’Europe.

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB mars 2007

Roland Marganne

Halanzy : raccordement, gare et hauts fourneux

La gare d’Athus

La gare d’Arlon

Virton, été 2006

 

Au coeur de l'Entre-Sambre-et-Meuse...

Florennes

Le village aux quatre gares

Connaissez-vous Florennes ?

Au coeur de l'Entre-Sambre-et-Meuse, aux confins de la province de Namur et de celle de Hainaut, les onze localités qui composent la commune de Florennes présentent encore aujourd'hui tout le charme et la sérénité d'autrefois, avec leurs chapelles pittoresques, fontaines rafraîchissantes, clochers séculaires, moulins à eau... mais aussi châteaux, fermes et autres monuments, qui témoignent de croyances ancestrales et d'événements qui ont marqué quelque vingt siècles d'histoire. Corenne, Flavion, Florennes, Hanzinelle, Hanzinne, Hemptinne, Morialmé, Morville, Rosée, Saint-Aubin, Thy-le-Bauduin, tels sont les noms des onze localités, regroupant près de 11 000 habitants, qui, depuis la fusion des communes de 1976, ont été regroupées sur un territoire communal d'un peu plus de 13 350 hectares. Certes, chacun connaît de Florennes sa base militaire aérienne Jean Offenberg et son « 2e Wing Tactique ».

Mais les Florennois, eux, évoquent plutôt le cadre rural de leur territoire, ses traditions folkloriques plus que centenaires et ces marches de l'Entre-Sambre-et-Meuse qui voient défiler zouaves et soldats d'un jour, au son guilleret des fifres et des tambours. Inspirées de l'époque napoléonienne, ces dernières sont sans conteste un des événements majeurs du patrimoine immatériel de la Wallonie.

Florennes et le chemin de fer

Et le chemin de fer dans tout cela ? Aujourd'hui, en ce début de XXIVe siècle, le groupe SNCB reste présent dans l'Entre-Sambre-et-Meuse grâce une seule ligne nord-sud, la « 132-134 «, qui relie Charleroi-Sud et Couvin par Walcourt, Philippeville et Mariembourg. Concurrente toute désignée de la très encombrée route axiale Charleroi - Couvin, cette ligne subit depuis quelques années une cure de jouvence afin d'offrir à ses riverains une alternative crédible à leur voiture : renouvellement de l'infrastructure, reprise des ouvrages d'art, rénovation des gares et points d'arrêt, optimisation de la vitesse de référence à 120 km/h partout où c'est possible, et engagement des nouveaux autorails diesel série 41 dans des horaires mieux adaptés aux besoins des voyageurs - et notamment des navetteurs. Son trafic fret est par ailleurs en pleine renaissance grâce au transport de pierres calcaires, fourni par la carrière les Petons (groupe Solvay) d'Yves-Gomezée, près de Walcourt. Celui-ci nécessite la mise en ligne quotidienne, confiée à B-Cargo, d'un train complet de 1 700 tonnes à destination de Millingen, près de Duisbourg en Allemagne : à l'heure de l'Europe sans frontières, la traction en est assurée de bout en bout par deux locomotives SNCB série 77...

Et l'ancienne cité comtale et fortifiée de Florennes dans tout cela ? En fait, la dernière ligne de chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse passe aujourd'hui à une petite dizaine de kilomètres à l'ouest de Florennes, en fait depuis sa déviation par Philippeville en septembre 1970. On rappellera utilement que, à la suite de la création du complexe des barrages de l'Eau d'Heure, le tracé « historique » de la ligne Walcourt - Mariembourg, par Silenrieux et Cerfontaine, a dû être abandonné au profit d'un nouvel itinéraire : celui-ci reprend le site de l'ancienne ligne de chemin de fer Walcourt - Florennes jusqu'à Saint-Lambert, puis une courbe en site neuf afin de rejoindre l'ancienne ligne ferrée Florennes - Philippeville - Senzeilles, abandonnée à Neuville pour rejoindre la ligne « historique » vers Mariembourg...

Nous y voici... Florennes fut, au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, un noeud ferroviaire très important, qui nécessita l'implantation de pas moins de quatre gares sur son territoire!

Pour comprendre cette inflation d'infrastructures, il faut rappeler que la région de Florennes, aujourd'hui orientée vers l'agriculture et les services, présentait jadis une autre physionomie économique.

Au début du XIXe siècle, à la veille de la révolution industriel-le, l'agglomération de Florennes cherchait à valoriser un sol calcaire et schisteux. Elle comptait des briqueteries, carrières de terre plastique, pierre à chaux, de sable et de silex, et des entreprises de produits réfractaires et de céramique, tout particulièrement spécialisées dans les carreaux de revêtement et de pavement. Ainsi, la production de céramique de Morialmé, d'Hanzinne, voire d'Oret, au nord de Morialmé, était-elle célèbre dans la Belgique entière à une certaine époque. Le village de Morialmé comptait en outre des mines de fer, près desquelles des entrepreneurs avaient développé des hauts-fourneaux dès avant la Révolution française de 1789.

Le potentiel industriel de la région de Florennes n'échappa pas aux investisseurs : comme l'Entre-Sambre-et-Meuse ne disposait pas en son sein de cours d'eau navigables, ils proposèrent dès le début du XIXe siècle de relier la région au sillon Sambre-et-Meuse, par des canaux d'abord, des lignes de chemin de fer ensuite dès que cette nouvelle technologie fut mise au point en Angleterre. Ces initiatives furent soutenues notamment par les entrepreneurs carriers locaux : il tombait sous le sens que le transport de lourds blocs de pierre par chalands ou wagons de chemin de fer était plus compétitif que le service assuré par d'ancestrales charrettes tirées par les célèbres chevaux de trait ardennais, caracolant sur les routes de l'Entre-Sambre-et-Meuse, au profil en dents de scie. Ils étaient relayés dans leurs exigences par les maîtres de forge de l'Entre-Sambre-et-Meuse, ces propriétaires d' « usines à la campagne », qui, pendant la première moitié du XIXe siècle, tentaient de sauver une industrie sidérurgique locale encore basée sur l'utilisation du charbon de bois en les reconvertissant au coke, un dérivé de la houille, dont le sous-sol du bassin de Charleroi regorgeait à l'époque, et qu'il fallait transporter jusqu'à leurs établissements.

C'est finalement le chemin de fer qui s'imposa comme le moyen de transport le plus approprié à l'Entre Sambre-et-Meuse. Au hasard des concessions de voies ferrées obtenues, à une époque où l'initiative privée concurrençait le secteur public dans ce domaine, Florennes vit s'ériger sur son sol pas moins de quatre gares.

Au XIXe siècle, la région de Florennes présentait un tout autre aspect qu'aujourd'hui: mines de fer et carrières constituaient ses principales ressources.

Les trois premières gares de Florennes

Florennes Sambre et Meuse

La première gare de Florennes fut érigée moins de vingt ans après l'apparition du chemin de fer en Belgique, sur la ligne Bruxelles-Malines en 1835. Florennes-Sambre-et-Meuse était un des éléments de l'axe international Charleroi - Mariembourg - Treignes - Vireux-Molhain, en France, une voie ferrée qui remontait notamment le cours de l'Eau d'Heure. Ouverte au trafic entre 1848 et 1854, elle fut dotée de multiples antennes vers Thy-le-Château et Laneffe, Morialmé, Florennes, Philippeville, ou Couvin, pour desservir toutes les entreprises de la région. Au départ de Walcourt précisément, un tronçon de voie ferrée avait été établi jusqu'à Rossignol, où une bifurcation menait les voies, soit à Fraire et Morialmé (branche ouverte en 1848), soit à Saint-Lambert et Florennes. C'est ainsi que le chemin de fer arriva à Florennes, dès 1854 dans une gare en impasse baptisée Florennes-Sud ou plutôt - selon les sources - Florennes-Sambre-et-Meuse, du nom de la compagnie ferroviaire propriétaire.

Le bâtiment de gare correspondant, désaffecté en 1912 lors de la disparition du « bouchon de Florennes », existe toujours aujourd'hui : il a été transformé avec goût en habitation privée, mais garde toujours son cachet typiquement ferroviaire: un bâtiment en trois volumes, avec corps central à trois travées et deux ailes basses, en pierres et en briques.

Pavillons et Florennes-Est

À la même époque, d'autres investisseurs - des concurrents de la « Compagnie de l'Est belge » - établissaient une autre liaison ferrée entre le bassin de Charleroi et la France, cette fois entre Châtelineau et Givet, en remontant notamment la vallée de l'Acoz. Ouverte au trafic par étapes entre 1855 et 1862, celle-ci avait non seulement pour but de desservir les importantes minières de Morialmé, mais aussi de générer un trafic international de marchandises pondéreuses, notamment du charbon du bassin de Charleroi, repris par les compagnies françaises en gare de Givet. Dès 1864, cette ligne fit partie du « Grand Central Belge », un syndicat d'exploitation de lignes de chemin de fer, qui avait l'ambition de créer un véritable réseau unissant les ports des Pays-Bas et de Belgique et les mines de fer de l'est de la France en passant par le bassin houiller de Charleroi.

La ligne « internationale » Châtelineau - Givet desservit aussi Florennes, grâce à deux autres gares : Pavillons et Florennes-Est. Cette relation intéressa au premier chef les« navetteurs» : elle permit aux habitants de la région de Florennes de trouver du travail salarié dans les nombreuses entreprises et charbonnages de la vallée de la Sambre, gros pourvoyeurs de main-d'oeuvre. Afin d'éviter l'exode rural à l'époque de la révolution industrielle, la politique des autorités belges en la matière consistait à maintenir les travailleurs en zone rurale, dans leur village natal, tout en facilitant leurs déplacements journaliers vers leur lieu de travail en ville : une manière d'éviter la formation de cités-dortoirs précaires aux abords des entreprises... mais aussi des concentrations humaines jugées à l'époque une proie facile pour des agitateurs politiques. N'a-t-on pas créé à la même époque le « coupon de semaine », subventionné par l'État, un titre de transport qui permettait à chacun de rentrer chez soi, à la campagne, à la fin de sa journée et à un prix raisonnable ?

Bref, la gare de Pavillons avait été dotée d'un bâtiment avec corps central à deux niveaux et deux ailes à deux niveaux elles aussi. La pierre de taille était utilisée au rez-de-chaussée. Aujourd'hui toujours visible dans le paysage - car transformé en habitation privée le bâtiment avait été conçu notamment pour assurer l'important trafic de petits colis, remis par l'industrie locale de céramique, qui disposait par ailleurs d'un raccordement ferré en gare. Ces petits colis étaient le cauchemar des chefs-gardes, qui les entassaient fébrilement dans leurs fourgons, parfois jusqu'au plafond, pendant le temps limité qu'offrait le stationnement de leur train en gare.

À la fin du XIXe siècle, Florennes était doté de trois gares. Ce n'est qu'en 1910 que la quatrième gare vit le jour: Florennes-Central

La gare de Florennes-Est était plus importante encore. Tirant son nom de l'« Est-Belge », sa compagnie ferroviaire propriétaire à l'origine, elle desservait une scierie et une usine de produits réfractaires, qui disposaient d'un raccordement en gare. Plusieurs marchands de charbon y recevaient aussi leur approvisionnement, à une époque où le chauffage domestique fonctionnait exclusivement avec ce combustible. En 1905, le rôle de Florennes-Est fut encore renforcé, pour les voyageurs cette fois, lorsque la Société nationale des Chemins de fer vicinaux en fit le terminus de sa ligne vicinale vers Morville et Dinant : à cet effet, un dépôt vicinal et un bâtiment de gare spécifique furent érigés, avec installations d'échange entre les deux réseaux.

Le bâtiment ferroviaire de Florennes-Est, dont le plan avait été établi par le Compagnie de l'Est Belge, sur un modèle semblable à celui des gares voisines de Gerpinnes, Villers-le-Gambon, Merlemont et Romedenne-Surice, situées sur la même ligne, était composé d'un corps central assez élevé, constitué de trois travées, et de deux ailes basses d'une travée chacune. Plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, Florennes-Est fut doté d'un raccordement au champ d'aviation établi sur ordre de l'occupant nazi, grâce à de la main-d'oeuvre captive : cette installation est à l'origine de l'aérodrome militaire actuel.

A la fin du XIXe siècle donc, Florennes était dotée de trois gares... avec les difficultés de cette dispersion pour les voyageurs qui devaient changer de train : ainsi, un service régulier de diligences avait-il été établi entre Florennes-Est et Florennes-Sambre-et-Meuse, distantes de quelque deux kilomètres, pour faciliter les correspondances. L'un ou l'autre « hôtel des voyageurs» proposait aussi le gîte et le couvert, à une époque où la vitesse des trains ne dépassait guère les 60 km/h... et où, pour voyager, il fallait « prendre son temps ».

Quand le bouchon de Florennes saute : La création de Florennes-central

Au tournant du XXe siècle, un courant de trafic nouveau fit son apparition dans la région. Au fur et à mesure de la fermeture des entreprises sidérurgiques locales, incapables de concurrencer les grands conglomérats sidérurgiques de la vallée de la Sambre, les lignes ferrées axiales de l'Entre-Sambre-et-Meuse devinrent des voies de communication pour le transport des pondéreux à longue distance. Comme la sidérurgie carolorégienne disposait sur place de charbon, mais non de minerai de fer, elle devait en importer en masse de Lorraine, dans l'est de la France, où les gisements métallurgiques du bassin de Briey, valorisés dans la seconde moitié du XIXe siècle, allaient se tailler une importance extraordinaire à l'époque, ils devinrent le premier bassin minier sidérurgique mondial !Ils allaient alimenter l'industrie belge pendant près d'un siècle, grâce notamment au réseau ferré de l'Entre-Sambre-et-Meuse, et plus particulièrement aux lignes Charleroi - Walcourt - Mariembourg - Vireux-Molhain, Châtelineau - Florennes - Givet et... au barreau d'interconnexion établi entre elles grâce à la ligne Walcourt - Florennes. Pour réaliser cette interconnexion, il fallait « faire sauter le bouchon de Florennes », à savoir prolonger la ligne Walcourt - Florennes-Sambre-et-Meuse, alors en impasse, jusqu'à Florennes-Est. Cette jonction, longue de deux kilomètres environ, fut créée en 1910, avec abandon corrélatif de la gare de Florennes-Sambre-et-Meuse : elle avait été facilitée par le fait que les compagnies privées qui exploitaient les lignes de chemin de fer dans la région de Florennes s'étaient regroupées au sein du « Grand Central Belge » pour être finalement absorbées par la « Compagnie des chemins de fer belges de l'État » en 1897.

L'État belge profita de cette jonction pour doter Florennes d'une gare centrale majestueuse, la quatrième gare du village : une démonstration « grandeur nature » à la population que le service public était prêt à lui rendre tous les services modernes de communication au sens large. Le bâtiment ferroviaire fut conçu pour abriter non seulement les services du chemin de fer, mais aussi ceux de la poste et les tout nouveaux services de télégraphe et téléphone. L'imposante bâtisse parfaitement symétrique, en briques rouges - avec éléments décoratifs en briques jaunes - fut inaugurée en 1912. Le complexe comportait pas moins de cinq parties : une aile basse de sept travées, encadrée de deux hauts volumes à trois travées, eux-mêmes bordés de deux bâtiments élevés de quatre travées aux extrémités... de quoi loger, outre la centrale téléphonique à commande manuelle et ses opératrices, le chef de gare, le receveur de la poste et leur famille respective...

Mais la sophistication des installations ferroviaires n'était pas limitée au bâtiment de gare, parfois dénommé « Florennes-État » dans les sources : on y ajouta un hangar à marchandises. Côté voies, la réalisation était tout aussi spectaculaire : pour les voyageurs, six voies à quai, avec - luxe suprême dans la région - un couloir sous voies, permettaient de prendre le train dans toutes les directions : les voies 1 et 2 donnaient accès aux trains pour Doische et Givet, la voie 3 aux trains de l'axe Ermeton-sur-Biert - Senzeilles, les voies 4 et 6 aux trains pour Châtelineau ou pour Walcourt par Saint-Lambert, et la voie 5 pour Walcourt par Morialmé et Fraire. Les voies 7 à 12 étaient réservées aux trains de marchandises en transit, tandis qu'une cour à marchandises de quatre voies était à la disposition des chargeurs locaux. Ce complexe était commandé par deux cabines de signalisation, dont le poste côté Ermeton-sur-Biert, qui disposait d'un bâti « Saxby » de 70 leviers... Le tout était flanqué d'une remise à locomotives, en forme de rotonde à sept voies avec plaque tournante - une construction exceptionnelle en Belgique, puisque ce modèle, courant dans les pays voisins, n'exista, outre Florennes, qu'à Mariembourg et à Saint-Vith. Cette remise à locomotives, qui fut en activité de 1925 à 1957, abrita notamment des locomotives à vapeur type 11 et 15, familières des lignes de la région, avant de devenir, après la guerre un « centre autorails » chargé de desservir la majorité du réseau ferré de l'Entre-Sambre-et-Meuse.

La SNCV décida alors de compléter le noeud ferroviaire de Florennes-Central en prolongeant, de quelque 1 700 mètres, sa ligne vicinale dont le terminus originel avait été établi à Florennes-Est.

Du trafic marchandises... il y en eut à Florennes, jour et nuit, dans l'entre-deux-guerres. Quant au trafic des voyageurs, il était surtout animé le jeudi, jour du marché hebdomadaire, le plus important de toute la région avec celui de Dinant. C'est ainsi que, de bonne heure le jeudi matin, on voyait descendre à Florennes-Central, des trains arrivant de toute la région, des fermières affairées venant proposer au marché leurs paniers d'oeufs, de beurre frais, les volailles ou les fruits de leur production personnelle, avant de se fournir en ustensiles de toute sorte dans le bric-à-brac des camelots en tout genre...

Les quatre gares de Florennes, témoins du passé

Après la Seconde Guerre mondiale, de profondes mutations intervinrent dans le bassin industriel carolorégien : disparition progressive des charbonnages, crise de la sidérurgie, évolution des habitudes de consommation et des matériaux utilisés... mais aussi développement spectaculaire des moyens de communication individuels : voiture particulière pour les déplacements personnels, professionnels et familiaux, généralisation des camions pour l'approvisionnement des entreprises locales et l'évacuation de leur production.

Le noeud ferroviaire de Florennes ne survécut pas à toutes ces mutations... et toutes les lignes ferrées de l'étoile de Florennes furent fermées les unes après les autres à partir de 1954. Le dernier autorail quitta la gare de Florennes-Central en 1962. Quant au trafic des marchandises, il avait complètement disparu fin 1983.

Pourtant, les quatre bâtiments de gare sont toujours là... Le plus monumental, celui de Florennes-Central, garda un guichet SNCB ouvert jusqu'en août 1977... Pour la délivrance des abonnements dans les autobus de substitution, alors gérés par la SNCB, qui remplaçaient les trains dans la région. Puis, la gigantesque bâtisse quasi déserte continua à abriter les services de la Poste... avant d'être transformée jusqu'il y a quelques mois en une maison de repos pour personnes âgées... Quant aux bâtiments de Florennes-Sambre-et-Meuse, Florennes-Est et Pavillons, ils sont toujours debout... Orphelins de leurs voies ferrées, ils témoignent de l'impact de la présence du chemin de fer au coeur d'une région, et sont ainsi autant d'éléments de mémoire de tout un pan de l'histoire locale...

Auteur : Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB janvier 2006

Florennes: gare de l'Est

Gare de Florennes-Central

A Florennes-Est

Pavillons

 

En marge d’une électrification…

WELKENRAEDT – MONTZEN

PETITE LIGNE, GRANDE HISTOIRE

A l'issue d'une année de travaux, Infrabel, le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire belge, a inauguré le 27 janvier dernier l'électrification de la courte ligne 39 à voie unique, qui relie Welkenraedt (sur l'axe voyageurs «historique» 37 Liège - frontière allemande) à Montzen (sur l'axe marchandises port d'Anvers - Allemagne). Après le renouvellement complet des voies en 2004 (longs rails soudés), la pose des poteaux caténaires et des câbles a été effectuée dans le courant de l'année 2005, pour une mise sous tension intervenue le 16 novembre 2005.

Cette initiative un investissement de 200 000 euros sur une ligne dépourvue de trafic «voyageurs» régulier permet d'améliorer le trafic ferroviaire entre la Belgique et l'Allemagne, mais également de rendre plus flexible le trafic dans la région, qu'il soit dédié aux voyageurs ou aux marchandises. En effet, la ligne 39, ainsi équipée, servira d'itinéraire de déviation lors des travaux d'entretien de la ligne 37 (en particulier l'assainissement des ouvrages d'art) ou des travaux d'aménagement de la ligne à grande vitesse (L 3) au niveau de la bifurcation avec la ligne 37 en gare de Chênée. Elle permet aussi de transférer aisément des locomotives électriques entre les gares de Welkenraedt et Montzen et d'améliorer le niveau de fiabilité de l'alimentation électrique des lignes 24 Tongres - Montzen (électrifiée depuis 1984) et 37 Liège - Aachen (électrifiée depuis 1966).

Bref, la nouvelle ligne électrifiée permet d'augmenter le potentiel et la fiabilité des lignes 24 et 37 et présente un atout de plus pour le développement de la région dite «des Trois frontières», située stratégiquement sur l'axe Allemagne - Mer du Nord.

LA LIGNE 39, DERNIER VESTIGE DE LA

«JONCTION BELGO-PRUSSIENNE»

Réduite aujourd'hui à la portion congrue (8 kilomètres), la ligne Welkenraedt - Montzen est en fait le dernier moignon d'un vaste projet international du XIX siècle, la «Jonction belgo-prussienne», une ligne de chemin de fer reliant Welkenraedt à Aachen par Plombières et Gemmenich, afin de valoriser l'exploitation du minerai de plomb dans le sous-sol du hameau de Plombières.

S'il était identifié de longue date, le gisement minier de Plombières ne fut industriellement valorisé qu'au début du XIX° siècle, lorsque Guillaume I`, souverain des Pays-Bas aux quels la future Belgique était incorporée, accorda, le 15 juin 1828, la concession des mines de plomb gisant sous le territoire des communes de Gemmenich, Hombourg et Montzen à... Charles-James Cockerill, frère de John, créateur de la sidérurgie liégeoise. L'exploitation prospéra rapidement, à telle enseigne que l'on créa, le 8 juillet 1846, une société anonyme dénommée « Compagnie des mines et Fonderies de Bleyberg ». Parallèlement, on découvrait en divers points singuliers de la mine du zinc amalgamé au plomb. En 1867, l'exploitation des mines de plomb, zinc et pyrite de fer était à son apogée : elle s'étendait sur 162 hectares sous les communes de Moresnet et de Gemmenich, et sur 6 618 hectares à Hombourg, Montzen et Henri-Chapelle.

Mais venons-en à notre propos, le chemin de fer. Il est patent que la valorisation complète du sous-sol de la région impliquait des voies de communication rapides, aisées et bon marché. Dès cette époque, la société minière avait organisé un service de chariots, tirés par des chevaux, chargés de faire la navette entre la station ferroviaire et les installations minières de Bleyberg. Mais ce n'était pas là une solution rationnelle à long terme. Aussi, Rémy Paquot, directeur-gérant de la Société anonyme de Bleyberg et Montzen, entreprit des démarches en vue d'établir une ligne de chemin de fer entre Welkenraedt2 et son entreprise de Bleyberg. Il envisageait par ailleurs une prolongation de cette ligne vers Gemmenich, la frontière prussienne et Aachen. La ville allemande offrait un bon débouché pour les produits de sa société et un approvisionnement aisé en combustible grâce aux charbonnages locaux : on pourrait ainsi supprimer le service des charrettes, à traction chevaline, qui faisaient péniblement la navette internationale par la route «en dos d'âne» au profil sévère, de Gemmenich à Vaals.

Après une longue procédure, Rémy Paquot obtint du gouvernement belge la concession de la ligne de chemin de fer correspondante. La compagnie de chemin de fer, issue de la SA de Bleyberg et Montzen et baptisée « Jonction belgo-prussienne», mit en service dès 1870 le tronçon le plus urgent, Welkenraedt - Bleyberg, long de 11 km, afin de raccorder la mine à la ligne Liège -Aachen en gare de Welkenraedt. Deux ans plus tard, la section nord Bleyberg - Gemmenich - Aachen était ouverte à la circulation.

Le tracé de la ligne de Welkenraedt à la frontière prussienne était particulièrement sinueux : il était justifié par le relief très vallonné du pays de Herve et la volonté de longer, sans la franchir, la frontière belgo-prussienne de l'époque, alors déterminée notamment par la «Route Mitoyenne» séparant Welkenraedt et Henri-Chapelle d'Herbesthal, et celle du territoire neutre de Moresnet.

De Welkenraedt donc, la ligne dévalait vers Bleyberg en serpentant à travers les prairies. Elle desservait d'abord Henri-Chapelle, dont la gare avait été établie dans un quartier excentrique. L'établissement ferroviaire suivant était «Montzen», qui prendra ultérieurement le nom de «Birken» c'est à un jet de pierre en amont de MontzenfBirken que l'occupant allemand établira pendant la Première Guerre mondiale une bifurcation menant à la future gare de triage de Montzen, aujourd'hui partie intégrante de la ligne 39. L'ancienne ligne 39, aujourd'hui disparue, rejoignait, à Moresnet, la vallée de la Gueule. Une gare y était implantée, au droit du futur viaduc de Moresnet, livrant aujourd'hui passage à la ligne 24 Tongres - Aachen-West. De cette gare se détachait une courte antenne de 2,5 km qui rejoignait, à travers la campagne, la route Henri-Chapelle - Aachen, qu'elle longeait sur quelque cinq cents mètres sur le territoire de Moresnet-Neutre afin de desservir les installations industrielles de la Vieille Montagne et d'aboutir, en cul-de-sac, à un modeste bâtiment de gare. C'était «Moresnet-Neutre», gare d'un État indépendant éphémère et lilliputien, créé sur une partie de l'actuelle agglomération de La Calamine, à la suite d'un «oubli» des cartographes du Congrès de Vienne (1815). Les philatélistes le savent cette singulière entité réussit à maintenir son indépendance jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale... pour prendre ensuite le nom de «La Calamine» après l'incorporation définitive du territoire à la Belgique....

La jonction belgo-prussienne qui reliait Welkenraedt à Aachen fut décidée
afin de valoriser !'Exploitation du minerai de plomb dans le sous-sol du hameau
de Plombières.

La gare principale du parcours de l'ancienne ligne 39 était Bleyberg, futur Plombières, flanquée d'un viaduc aujourd'hui disparu : c'était le plus important des établissements de la ligne, avec ses embranchements destinés à desservir les installations minières de l'endroit. L'édifice était imposant avec sa marquise et son architecture originale à double corps afin d'abriter non seulement les services de l'exploitation ferroviaire, mais aussi ceux de la douane belge. Au fil du temps, la gare de Bleyberg/Plombières fut raccordée au réseau ferroviaire de la région : aussi, au début du XX siècle, elle constituait un véritable nœud ferroviaire d'où les trains partaient dans quatre directions : vers Hombourg, Battice, le pays de Herve et Chênée, Gemmenich et Aachen, Moresnet-Neutre ou Henri-Chapelle et Welkenraedt.

Particularité curieuse, la ligne traversait ensuite le village de Gemmenich de part en part, sans qu'aucune gare ou point d'arrêt n'y ait été prévu lors de la construction de la ligne... car les services de douane belge étant situés à Bleyberg, aucun point d'arrêt ne pouvait plus être créé en territoire belge jusqu'à la frontière... Pourtant, Gemmenich finira par avoir sa gare, grâce au concours de l'administration communale de Vaals, de l'autre côté de la colline des «Trois frontières)), en territoire hollandais. Cette localité, qui n'était pas desservie par chemin de fer via les Pays-Bas, notamment pour des raisons d'ordre topographique, insista pour pouvoir disposer d'une desserte ferroviaire en territoire belge. Or, Gemmenich était la localité la plus proche... Aussi, à la fin du XIXe siècle, les autorités belges finirent par accepter le principe de la création d'une gare à Gemmenich.

La frontière belgo-prussienne était franchie en tunnel, non loin du «Dreilânderpunkt»' : le percement de ce souterrain - l'actuel tunnel de Botzelaer - dura deux ans, pour une longueur d'ouvrage d'art de 870 mètres, dont 250 en Belgique et 620 en Prusse, à 65 m de profondeur maximale par rapport au sommet de la colline. Dès la sortie de l'ouvrage d'art international, la ligne plonge en territoire prussien et en pente très raide vers Aachen, à l'époque toujours entourée d'un mur d'enceinte fonctionnel et militairement gardé. Dès l'ouverture des diverses sections de la ligne, un trafic voyageurs fut organisé par les chemins de fer de l'État belge, désignés, comme souvent, exploitant de la ligne. On le devine, le trafic des marchandises prospéra rapidement, à tel point qu'on décida de porter la ligne à double voie et d'établir, à Welkenraedt, un raccordement permettant aux trains de passer directement sur la ligne de la Vesdre en direction de Verviers sans rebrousser à Welkenraedt. Cette jonction directe fut ouverte à l'exploitation dès 1874.

PREMIÈRE GUERRE MONDIALE ET BOULEVERSEMENT DU RÉSEAU FERROVIAIRE RÉGIONAL

L'occupation allemande pendant la Première Guerre mondiale bouleversa le réseau ferroviaire de la région «des Trois frontières». Pour satisfaire leurs propres besoins stratégiques et économiques, les Allemands firent construire une série de lignes de chemin de fer en site neuf en Belgique occupée. Ainsi, pour maintenir une liaison - vitale pour eux - entre le port d'Anvers et le bassin industriel de la Ruhr en contournant les Pays-Bas restés neutres dans le conflit, ils créèrent une liaison ferrée exclusivement «belge» : rattachée au réseau existant à l'époque à Tongres, cette nouvelle voie ferrée allait rejoindre la région d'Aachen à travers le Limbourg belge et le nord de la province de Liège : c'est «notre» ligne 24 Tongres - Visé - Montzen - qui allait rejoindre la ligne 39 originelle au portail du tunnel frontalier de Botzelaer. Les Prussiens avaient vu grand en imaginant une sorte de «ligne à grande vitesse» avant la lettre avec double voie à grand débit, un profil facile, sans aucun passage à niveau, nécessitant du coup de nombreux ouvrages d'art, et des liaisons systématiques par saut de mouton avec toutes les lignes de chemin de fer croisées (dans la région qui nous occupe, à Hindel avec la ligne Chênée - Battice - Plombières, à Montzen avec la ligne Welkenraedt - Gemmenich - Aachen-West, à Buschhausen avec la ligne vers Aachen-Süd, à Botzelaer avec de nouveau la ligne Welkenraedt - Gemmenich - AachenWest). La création d'une gare de triage en site neuf à Montzen procède du même projet.

C'est ainsi qu'une fois la paix revenue, la région se retrouva avec deux réseaux ferroviaires superposés, l'un, construit au XIX siècle autour de l'exploitation minière et industrielle du plomb et du zinc, l'autre - plus moderne - aménagé pendant la guerre pour relier le port d'Anvers et ses clients sidérurgistes de la Ruhr.

Pendant l'Entre-deux-guerres, la réalité économique fit que la SNCB opta, dès sa création en 1926, pour le développement de la ligne 24 Tongres - Montzen -Aachen (West) héritée de l'occupation allemande, au détriment de la ligne 39 Welkenraedt - Plombières - Aachen-West. Ce mouvement s'accéléra par l'accroissement des échanges ferroviaires marchandises entre la Belgique et l'Allemagne à la suite des réparations de guerre payées en nature par l'Allemagne vaincue, et à l'abandon progressif du «Rhin de fer», l'autre liaison ferroviaire historique entre le port d'Anvers et l'Allemagne par Mol, Neerpelt, Weert et Mônchengladbach, à cause des mauvaises relations bilatérales de l'époque entre la Belgique et les Pays-Bas. De plus, la fermeture en 1922 de la mine de plomb de Plombières - dont le gisement s'épuisait - et le ralentissement concomitant de l'activité industrielle de la région provoquèrent une perte progressive de trafic sur la ligne 39 Welkenraedt - Plombières - Aachen.

LA LIGNE 39, RÉDUITE À LA PORTION CONGRUE

La concurrence de plus en plus forte du transport routier après la Seconde Guerre mondiale et les mutations économiques régionales provoquèrent finalement la disparition progressive de tout le trafic ferroviaire sur la ligne 39 au nord de Montzen où les derniers trains de voyageurs circulèrent en 1952; leur composition ne manquait pas de pittoresque: des locomotives à vapeur type 97 et des voitures hétéroclites de conception allemande, livrées à la Belgique après 1918, au titre de réparation de guerre. Le trafic des marchandises, confié à des locomotives à vapeur type 81 de la remise d'Herbesthal, n'y survécut pas longtemps. En 1957, les derniers autorails typiques «Brossel» type 553 circulèrent entre Welkenraedt et Montzen, cantonnant notre ligne, finalement amputée de sa partie nord vers Plombières, Gemmenich et Aachen, à la portion congrue entre Welkenraedt et Montzen. Depuis cette époque, elle constitue un trait d'union entre l'itinéraire fret vers l'Allemagne (via Montzen) et l'itinéraire voyageurs (via Welkenraedt) en attendant l'ouverture de la ligne à grande vitesse n°3 Chênée - Walhorn, qui viendra se greffer sur la ligne «historique» au droit de la Hammerbrücke.

AUTRES PROJETS FERROVIAIRES DANS

LA RÉGION DES TROIS FRONTIÈRES

L'électrification Welkenraedt- Montzen n'est pas - loin de là - le seul projet de modernisation d'Infrabel dans la région des «Trois frontières».

Sur la ligne à grande vitesse vers l'Allemagne (L 3 - Chênée -Hammerbrücke), les travaux battent leur plein, en vue d'une mise en service commercial en décembre 2007. Le tunnel de Soumagne a été percé, les ouvrages d'art et la plate-forme sont achevés : Infrabel installe actuellement les équipements ferroviaires tout au long de cette nouvelle artère (dispositif d'électrification en 25 kV 50 Hz et pose des voies). La liaison historique entre la Belgique et l'Allemagne (ligne 37 Liège - Welkenraedt - Hergenrath-frontière) n'est pas délaissée pour autant. Outre des travaux de renouvellement des voies et de mise à bonne hauteur des quais tout le long de la ligne, Infrabel travaille à la concentration des cabines de signalisation de Welkenraedt et Eupen en gare de Verviers-Central pour fin 2006. Par ailleurs, un nouveau point d'arrêt non gardé sera ouvert à Hergenrath - près de la frontière germano-belge - en décembre 2006, à l'aide de crédits européens «lnterreg ». Cette initiative, chaudement recommandée par nos voisins allemands, permettra de capter une clientèle nouvelle pour la relation voyageurs «IR q»» Liège-Guillemins - Aachen : les nombreux habitants allemands du village belge frontalier d'Hergenrath, attirés à cet endroit par un marché immobilier plus intéressant, et qui ont gardé leurs activités professionnelles à Aachen. Cette initiative est en quelque sorte un retour aux sources, dans la mesure où le village d'Hergenrath disposa d'une gare jusqu'en 1957. Enfin, le forage d'un nouveau tunnel à Dolhain, encadré de tranchées couvertes, devrait permettre l'assainissement définitif de cette délicate zone longeant la Vesdre en surplomb : pour ce dernier projet, permettant de relever la vitesse des trains de 40 à 100 km/h, un budget de huit millions est prévu de 2008 à 2010.

 

Le réseau de la région des «Trois frontières» connut un profond remaniement
pendant la Première Guerre mondiale pour satisfaire les besoins stratégiques
et économiques de l'occupant.

La modernisation de la ligne 24 - partie intégrante de l'artère de 162 kilomètres joignant le port d'Anvers à la frontière allemande, et actuellement électrifiée jusqu'à Montzen - se poursuit : les travaux de renouvellement du radier du tunnel de Veurs s'étendront jusque fin 2006 et coûteront trois millions d'euros. Mais l'initiative marquante est la toute récente décision d'Infrabel de lancer le chantier de l'électrification du chaînon manquant de huit kilomètres de long de la ligne 24 entre la sortie de Montzen et le tunnel frontalier de Botzelaer.

Ce projet permettra de supprimer l'obligation actuelle de changer de locomotive en gare de Montzen. La puissance supplémentaire offerte par les locomotives électriques appelées à se multiplier sur cet axe permettra d'augmenter la vitesse commerciale de la ligne 24 et ainsi d'accélérer le transport de fret de et vers le port d’Anvers ; d'augmenter aussi sensiblement la capacité de cet axe stratégique.

L'attractivité du réseau ferroviaire et des ports belges s'en trouvera considérablement renforcée, ce qui sera bénéfique pour l'économie belge en général.

Cette électrification, dont les travaux débuteront au second semestre 2007, représentera un investissement de trois millions d'euros. Dès octobre 2007, Infrabel réaménagera le faisceau de sortie de la gare de Montzen en direction de l'Allemagne. A partir de mars 2008, DB Netz, gestionnaire allemand de l'infrastructure ferroviaire, procédera aux travaux d'équipement électrique du tunnel frontalier de Botzelaer - qui possède la particularité de disposer d'une troisième voie mariée permettant aux chargements exceptionnels de disposer d'un gabarit de 5 mètres en hauteur comme en largeur dans le souterrain - tandis qu'Infrabel équipera la portion de voie à l'air libre jusqu'à Montzen. La section de séparation entre la tension allemande de 15 kV 16,7 Hz (courant alternatif) et la tension belge de 3 000 volts (courant continu) sera aménagée au droit du viaduc de Moresnet. Les installations électriques seront ainsi opérationnelles pour le changement d'horaires de décembre 2008.

La modernisation et l'assainissement de la gare de Montzen sont à l'ordre du jour
pour lui permettre d'affronter, dans les meilleures conditions, la globalisation des
échanges commerciaux en Europe

Même si les dossiers ne sont pas liés, Infrabel a décidé, dans le même temps, d'investir dans la modernisation et l'assainissement de la gare de Montzen, en vue de la doter d'une infrastructure moderne et d'assurer ainsi son avenir. Infrabel est en effet confrontée, ces dernières années, à un double phénomène : les infrastructures de cette ancienne gare de triage - reconditionnées au début des années 1970 - montrent des signes de fatigue et nécessitent une modernisation lourde dans un avenir proche, tout en étant devenues surdimensionnées par rapport aux besoins réels, à la suite de l'ouverture des frontières en 1992 et à la multiplication corrélative - avant même tout projet d'électrification - du nombre de trains traversant la gare de Montzen sans arrêt.

C'est pourquoi Infrabel a décidé de simplifier l'infrastructure de Montzen, en supprimant une quinzaine de voies à présent peu utilisées, tout en modernisant en profondeur l'ensemble des voies subsistantes. Les trois cabines de signalisation de Montzen seront par ailleurs fusionnées en 2012 avec la cabine de Visé, qui bénéficiera d'une infrastructure entièrement modernisée.

En attendant, des travaux d'assainissement seront effectués afin de maintenir la capacité actuelle à Montzen jusqu'en 2008.

Ainsi modernisé et repensé, le réseau subsistant des chemins de fer des Trois frontières sera prêt à affronter la globalisation des échanges commerciaux dans une Europe en pleine mutation.

- Cette localité porta le patronyme de «Bleyberg» jusqu'en 1919. A l'époque, les édiles locaux, mus sans doute par des motifs patriotiques, obtinrent, par un arrêté royal de 1919, le changement du nom de l'endroit. Ils purent ainsi abandonner le nom originel de la commune à consonance germanique et adoptèrent le patronyme « Plombières », sans doute par référence aux activités industrielles locales de l'époque.

- De l'indépendance belge de 1830 jusqu'aux dispositions du Traité de Versailles de 1919, la frontière belgo-allemande passait entre le village belge de Welkenraedt et son homologue prussien d'Herbesthal, le long de la «rue Mitoyennes joignant Henri-Chapelle à Eupen.

- Le «Dreiländerpunkt» était en fait - jusqu'en 1919 - le point de convergence des frontières de quatre États : les Pays-Bas, la Belgique, le territoire neutre de Moresnet et la Prusse. Aujourd'hui, c'est toujours le point de rencontre de la frontière néerlando-belgo-allemande.

- La partie allemande de la ligne 24 entre le fronton germanique du tunnel de Botzelaer et la gare d''Aachen-West est électrifiée depuis 1968.

 

Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB juin 2006

 

 

La région des trois frontières avec les chefs d’état en 1908

La gare d’Herbesthal

La gare de Moresnet

La gare de Plombière

 

 

 

Bruxelles – Le Caire

En train

 

« MAIS TU VASTE FAIRE MASSACRER! »

Lorsque mes collègues eurent vent de mon projet, leurs réactions ne furent guère encourageantes: «Bruxelles - Le Caire en train? Mais ce n'est pas possible ...» Il faut reconnaître que l'itinéraire affichait effectivement quelques lacunes de taille. Ainsi, seuls quelques trains de marchandises sillonnent encore le sud de la Jordanie, et aucun train ne circule dans le désert du Sinaï. «Syrie, Jordanie..? Mais ces gens vont te trucider, ou pire, te jeter en tôle!» Des a priori absurdes car, nulle part au monde, je n'ai rencontré de gens aussi chaleureux et aussi hospitaliers et, même aux points frontières, tout s'est déroulé dans une atmosphère conviviale et bon enfant. Une seule exception: les chauffeurs de taxi! Dès qu'ils comprennent qu'ils transportent un Belge, ils appliquent le tarif des taxis bruxellois. Chauffeurs très attentionnés, certes, mais dix fois plus chers ...

SUR LES TRACES DL L'ORIENT EXPRESS

La première phase du voyage, en l'occurrence Bruxelles - Istanbul, comprenait une visite de Budapest, Bucarest et Sofia. Le crochet par Bucarest n'avait qu'un motif personnel: je n'étais encore jamais allé en Roumanie!

Les points forts de cette étape furent la ligne des Pionniers à Budapest, et bien sûr, Istanbul. La ligne des Pionniers, une petite ligne de chemin de fer de 11 kilomètres de long située dans les faubourgs de la capitale hongroise, est un témoin typique de la période soviétique. Seuls les conducteurs de train sont des adultes. Toutes les autres tâches (accompagnateurs de train, signaleurs, guichetiers, chefs de gare ..) sont effectuées par des «Pionniers», c'est-à-dire ... ces enfants âgés de 10 à 14 ans! Le mot «Pionnier» (une sorte de mouvement de jeunesse soviétique) a d'ailleurs disparu depuis longtemps, en même temps que l'occupant russe. On parle à présent du «Train des enfants».

Ne pas parler d'Istanbul serait un sacrilège Cette ville, d'une beauté envoûtante, marque aussi la frontière entre l'Europe et l'Asie, et la délimitation saute déjà aux yeux dans la gare européenne de «Istanbul-Slrkesi», où chaque voie se terra ne par un butoir. De là, il faut ensuite prendre le bac pour traverser le Bosphore et rejoindre la gare asiatique de «Istanbul Haydarpasa». La plupart des bateaux délaissent malheureusement l'embarcadère de cette gare majestueuse et se dirigent directement vers le quartier, plus éloigné mais beaucoup plus animé, de ««Kadikoy»», d'où vous devez retourner sur vos pas et marcher dix minutes environ pour vous rendre à «Haydaroasa »

 

TRAIN DE VOYAGEURS OU DE MARCHANDISES ...

La deuxième partie du voyage allait d'Istanbul à la capitale jordanienne d'Amman, avec des étapes dans les villes turques d'Esklsehir, Konya et Adana, et dans les villes syriennes d'Alep et de Damas. Alors que le service des trains entre Istanbul et Adana est toujours assuré, le choix s'avère beaucoup plus limité entre Adana et Alep: un seul train de voyageurs par semaine, tous les vendredis. «Train de voyageurs» est d'ailleurs un grand mot. Il s'agit en fait d'un wagon-lit syrien qui circule avec le Toros Express de «Istanbul- Haydarpasa» (départ le jeudi matin) à Fevsipasa et qui est ensuite envoyé à Alep, en Syrie, avec un train de marchandises d'une longueur invraisemblable.

LAWRENCE D'ARABIE

Alep est sans nul doute la gare la plus importante des chemins de fer syriens malgré le peu de clients qui foulent son sol. Un sol d'ailleurs astiqué non-stop) On trouve cependant quelques trains quotidiens vers Damas, ou plus précisément Damas Cadem, une petite gare miteuse située à environ cinq kilomètres à l'extérieur de la ville. Cadem est également le point de départ de la ligne à voie étroite «Hejaz» vers Amman, une ligne qui transporta jadis des milliers de pèlerins de Damas à Medina en Arabie Saoudite, mais qui fut fortement endommagée par Lawrence d'Arabie lors de la Première Guerre mondiale. La ligne Damas - Amman et quelques autres tronçons ont été réparés, mais ont à peine évolué depuis lors. Deux fois par semaine seulement, le lundi et le jeudi, une très vieille voiture voyageurs est envoyée à Deraa, à proximité de la frontière jordanienne, avec le train de marchandises quotidien. De là, il est possible de continuer jusqu'à Amman à bord d'un train de voyageurs jordanien tout aussi ancestral. Du moins en théorie: le lundi 22 mai 2006 à Damas ....pas la moindre trace d'un train! D'après les Syriens, c'était la faute des Jordaniens, mais ... le soir même, j'apprenais à Amman que tout était en fait de la faute des Syriens! Quoi qu'il en soit, ma déception fut grande. Non seulement, j'avais dû me fendre d'un trajet en taxi relativement onéreux au départ de Damas, mais dans la minuscule gare d'Amman, il n'y avait pas non plus grand-chose à voir. Trois diesels d'un jaune éclatant, trais locomotives à vapeur, dont une belge, en état de circuler et une poignée de voitures dont de nombreuses belges datant de Mathusalem, mais pour le reste, pas le moindre signe d'activité! Le chef de gare comprit ma frustration et me lança sur un ton prophétique: «Came back tomorrow and speak to Mister Bill ».

THANK YOU MISTER BILI.

Le matin suivant, la minuscule gare d'Amman était le théâtre d'une grande agitation. À côté de la plaque tournante, une vraie locomotive à vapeur étale_ même dans les «starting-blocks». Et Mister Bill? Celui-ci n'eut même pas à se présenter, je l'identifiai d'emblée un imposant américain à la panse énorme, affublé d'une grosse caméra et entouré d'une cour composée d'une dizaine d'Anglais et d'Américains, mordus de rail. J'ai très vite compris qu'un train spécial figurait au programme. Manifestement, Mister Bill avait plus à dire que le grand patron des chemins de fer jordaniens et dispensait ses ordres nécessaires à chacun en vociférant. Une situation guère étonnante en ce sens que les trains spéciaux constituent la principale source de revenus de cette ligne de chemin de fer. Pour une poignée de dollars US - «business you know» - le Belge solitaire que j'étais a donc été accueilli dans le groupe exotique de Mister Bill. En chemin, plusieurs arrêts «photos», la mise en scène étant parfois recommencée jusqu'à quatre fois, car Mister Bill voulait ... de la fumée, beaucoup de fumée! A Jiza, le terminus, j'ai malheureusement dû prendre congé de ce personnage quasi-légendaire et de son excentrique compagnie car la petite troupe poursuivait en autobus son trajet vers Petra. Pour les amoureux de «vieilles pierres», Petra est incontestablement l'un des plus beaux sites au monde. J'avais toutefois d'autres projets et je voulais rentrer à Amman avec le train vide. Le mot »vide» était tout relatif car en plus du personnel de train, une dizaine de militaires et de policiers se trouvaient également à bord. Le retour fut même encore plus amusant que l'aller ! Il y eut aussi plusieurs arrêts en cours de route, mais ... plutôt à caractère »gastronomique». A proximité d'une tente de bédouins, nous avons même reçu un grand bol de lait de chèvre tout frais, un vrai service »en temps réel»! Avant de poursuivre notre route, nous avons bien sûr récupéré les chèvres qui s'étaient réfugiées sous le train! Lorsque nous atteignîmes enfin Amman, les premières étoiles brillaient déjà au firmament....

 

SWINGING TRAINS

La dernière partie du voyage allait d'Amman au Caire, mais le trajet fut hélas effectué en grande partie par la route: un autobus de aigre «Amman à Aqaba, sur la Mer Rouge, puis une dizaine de kilomètres en taxi à travers Israël, de la frontière jordanienne à la frontière égyptienne et enfin, un »service taxi» (minibus) à travers le désert du Sinaï, de Taba à Suez, où je retrouvai enfin »de rail» pour la dernière étape jusqu'au Caire. Mais quel «rail»!

Les voitures manquaient parfois de portes et de fenêtres, les bogies se trémoussaient telle une danseuse du ventre, mais nous sommes miraculeusement restés sur les voies ... Quelque peu étrange pour moi, mais les Égyptiens y sont apparemment plus habitués: rien à voir toutefois avec une excursion à dos de chameau vers les pyramides!

Le Caire était d'ailleurs le terminus de ce long, mais très agréable périple et sera peut-être un jour le point de départ d'un nouveau voyage à destination de l'Afrique du Sud.

J'entends déjà mes collègues: »Aller du Caire en Afrique du Sud en train? Mais ce n'est pas possible ... !..

VOUS AVEZ DES FOURMIS DANS LES JAMBES?

Ce type de voyage vous attire? N'oubliez pas qu'un bon planning est indispensable ! »HAFAS» vous permet d'organiser vos voyages en train en Europe (jusqu'à Istanbul) à partir du site http://plannerint.b-rail.be.

Pour les voyages en dehors de l'Europe, consultez plutôt le site web

« The Man in Seat Sixty one » sur http://www.seat61.com

Enfin, un conseil d'ami: n'écoutez pas les collègues, bouclez vos valises et partez!

Willy Pattyn

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB août 2006

 

Une annonce sur mesure. ICE Bruxelles-Francfort

Istanbul : tram moderne. Gare de Haydarpasa. « Baskent Express ». Gare d’Eskisehir. Mosquée d’Adana

Métro de Budapest

Tram Tatra à Budapest. Le parlement de Budapest. Tram ex-Cologne à Konya. Diesel égyptienne à Suez. Mosquée Mevlana à Konya.

Amman : ligne Hejaz

Budapest : tram des enfants

Budapest : funiculaire. Damas : Mosquée Omayad. Jiza : ligne Hejaz.

Istanbul : marchand de glace. Pyramides de Gizeh. Le Bosphore à Istanbul.

 

 

Aux sources de l’Ourthe orientale

G OUVY

Nœud ferroviaire ardennais

Qui, dans le monde cheminot, ne connaît pas le toponyme « Gouvy», un des quatre points frontaliers actuels entre le réseau belge et le grand-duché de Luxembourg, avec Sterpenich, Athus et Aubange? Mais Gouvy, c'est d'abord une commune ardennaise de 4 700 habitants, au nord de la province du Luxembourg belge, mais aussi aux confins du grand-duché de Luxembourg: les vingt-trois villages et hameaux qui la composent sont encore un écrin de verdure et de forêts arrosé par l'Ourthe orientale qui y prend sa source. Savez-vous que la commune elle-même n'a été baptisée « Gouvy» que lors de la fusion de 1976? Auparavant, le village de Gouvy faisait partie de la commune de Limerlé, créée, elle, dès 1824.

La vocation ferroviaire de Gouvy

Cette petite entité rurale a été tirée de son relatif isolement au milieu du XIX' siècle au moment de l'aventure de la construction des lignes de chemin de fer en Belgique. Mais ce n'est pas un hasard! La vocation ferroviaire de Gouvy était en quelque sorte inscrite dans les astres, car la région est un lieu de passage très ancien: une chaussée romaine la traversait jadis pour relier les grands centres de Reims et de Cologne. Plus tard, une route tout aussi traditionnelle passait au large de Gouvy: «le grand chemin de Stavelot», qui reliait, sous l'Ancien régime, la principauté abbatiale de Stavelot -Malmédy et le nord du futur grand-duché.

Pourtant, l'idée de doter la région en voies de chemin de fer ne remonte pas précisément aux origines de la création d'un réseau ferré en Belgique, car le Condroz et l'Ardenne n'avaient pas été repris dans le premier projet de 1834, d'initiative publique, de construction dudit réseau. Cependant, l'État acceptait de concéder au secteur privé les lignes que celui-ci jugerait utiles... et rentables. Il ne se fit pas prier et conçut empiriquement un réseau complémentaire, parallèle et souvent concurrent de celui de l'État. Le sud du pays n'échappa pas à ce mouvement: ainsi, dès 1846, des investisseurs anglais obtenaient la concession d'un chemin de fer dit «de Luxembourg». Les intéressantes perspectives de profit réservées par l'exploitation d'une voie ferrée reliant les riches bassins industriels de la vallée de la Meuse aux minières du grand-duché de Luxembourg et de l'est de la France motivaient notamment les investisseurs d'Outre-Manche.

Le cahier des charges du chemin de fer dit «de Luxembourg» de 1854, esquissa le tracé du futur réseau: les futures lignes Bruxelles – Namur et Namur - Arlon en fait, avec prolongements jusqu'aux frontières française et grand-ducale, dans les directions de Longwy et de Luxembourg. Ce chemin de fer aurait deux embranchements obligés, l'un vers l'Ourthe et l'autre vers Bastogne. Ainsi trouve-t-on mention pour la première fois de la future artère Libramont - Bastogne - Gouvy, et de la ligne de l'Ourthe, Marloie - Rivage - Angleur. La Grande Compagnie du Luxembourg fut alors constituée dans le but de construire les lignes ferrées correspondantes et de les exploiter.

Aux origines du chemin de fer de Spa à Gouvy et à la frontière Grand-ducale

C'est alors que nos voisins luxembourgeois décidèrent d'entrer en négociation avec la Belgique pour l'établissement d'un chemin de fer dans le grand-duché et pour sa liaison avec les lignes de chemin de fer belges. Ainsi, la compagnie de droit luxembourgeois «Guillaume Luxembourg», qui avait vu le jour à la suite de ces contacts pour atteindre la ligne belge près d'Arlon, obtint, en Belgique, la reprise de la concession d'une voie de chemin de fer existante, qui reliait Pepinster à Spa par la vallée de la Hoegne: une ligne d'intérêt local, à l'origine en cul-de-sac, livrée au trafic par la compagnie du «Chemin de fer de Pepinster à Spa» en 1854 et 1855 afin de relier Spa, ville d'eaux très prisée à l'époque, à la grande ligne Bruxelles - Prusse, par Liège-Guillemins et Verviers. La «Compagnie Guillaume-Luxembourg» lui vit un tout autre intérêt: à condition de la prolonger jusqu'à la frontière grand-ducale, elle pourrait servir à l'acheminement des trafics charbonnier et sidérurgique entre les bassins liégeois, grand-ducaux et lorrains. Une fois la ligne construite, la «Compagnie Guillaume-Luxembourg» disposerait d'un itinéraire propre et pourrait faire concurrence à la ligne de l'Ourthe dont la construction était à peine commencée à l'époque de ces tractations. Sitôt dit, sitôt fait: dès 1862, par convention internationale signée entre la Belgique et le grand-duché, celui-ci prenait l'engagement d'assurer l'exécution d'une ligne de chemin de fer depuis Luxembourg jusqu'à Ettelbruck et la frontière dans la direction de Vielsalm, tandis que le gouvernement belge s'engageait à la prolonger jusqu'à Spa. C'était le futur «Chemin de fer de la Jonction belge-grand ducale» qui devait constituer, entre Luxembourg et Liège, une voie un peu plus courte que celle de la vallée de l'Ourthe en projet à l'époque: 165 kilomètres au lieu de 180. En application de cet arrangement international, la totalité de la ligne sur territoire belge entre Spa, Stavelot, Trois-Ponts, Vielsalm et Gouvy fut ouverte à l'exploitation le 20 février 1867... Moins d'un an après la mise en exploitation de la ligne de l'Ourthe, sa concurrente directe. Ainsi, le village de Gouvy fut-il desservi par le chemin de fer. Il était même doté d'un bâtiment de gare spacieux vu son statut de gare frontalière, située à deux kilomètres à peine du grand-duché. Cet édifice originel, heureusement préservé, est toujours fonctionnel aujourd'hui: une longue bâtisse trapue, couverte d'une bâtière débordante.

La SNCB Holding vient d'en faire ravaler les murs extérieurs avant de procéder à son reconditionnement intérieur.

La ligne de l’Amblève

Revenons à ce premier tronçon de la future ligne de l'Amblève, Liège - Gouvy, ainsi ouvert au trafic, mais avec une orientation toute différente: la section Trois-Ponts - Rivage n'existant pas, les trains de marchandises joignant l'est de la France et le grand-duché au bassin liégeois, devaient transiter par Stavelot, Spa et Pepinster... Ce n'était pas une sinécure, vu la sévérité du profil entre Sart-lez-Spa et Nivezé...Mais l'histoire de la ligne Pepinster - Spa - Trois-Ponts -Gouvy ne s'arrête pas là... La «Compagnie de l'Est français» allait entrer en scène: son ambition était de créer, au départ de sa région d'origine, un réseau ferroviaire européen. Elle prit à bail en 1868, tant au grand-duché qu'en Belgique, la totalité du réseau Guillaume-Luxembourg. Dès ce moment, la liaison Pepinster - Gouvy et au-delà passa sous contrôle français: elle fut même exploitée avec du matériel de l'Est français, et notamment des voitures à impériale... Gouvy vit s'arrêter deux paires de trains directs Liège-Guillemins -Luxembourg via Pepinster, Spa et Gouvy dès le 1' janvier 1870. Mais qui, parmi les villageois de Gouvy, pouvait se payer le luxe de prendre le train à une époque où les tarifs n'étaient pas vraiment démocratiques et où l'horizon des gens était limité aux villages voisins...?

Passons à la grande politique: 1870, c'était l'époque de la guerre franco-allemande. Le gouvernement belge s'inquiétait de l'emprise progressive des compagnies étrangères sur un mode de transport vital pour l'économie du pays, sinon pour sa défense. Il s'opposa aux projets de rachat de la «Grande Compagnie du Luxembourg belge» par la «Compagnie des chemins de fer de l'Est français» et se mit à racheter progressivement les lignes jadis concédées. Ainsi, la «Grande Compagnie du Luxembourg» fut-elle rachetée par l'État et la ligne internationale Pepinster - Spa - Trois-Ponts - Gouvy nationalisée dès 1872.

Une fois propriétaire de l'infrastructure ferroviaire, l'État en rationalisa l'exploitation dans la région, grâce à la construction d'une liaison entre l'artère Spa - Trois-Ponts - Gouvy et la ligne de l'Ourthe. Le tracé épousait l'étroite vallée de l'Amblève: de la gare de Rivage, non loin du confluent entre l'Ourthe et l'Amblève, une bifurcation donnait accès à une ligne ferrée à simple voie et en rampe continue de quatre à sept pour mille. Celle-ci fut mise en construction - en même temps que la route qui lui est parallèle d'ailleurs -, toucha Stoumont en 1885, et Trois-Ponts trois ans plus tard. Sa construction exigea des investissements considérables: non moins de huit tunnels durent être percés dans des sites souvent peu accessibles, et plusieurs viaducs durent être érigés. Aujourd'hui, l'intérêt de cette relation nous semble évident: offrir une liaison directe entre Liège et le grand-duché de Luxembourg. Pourtant, avant la Première Guerre mondiale, il n'y eut aucun service international de voyageurs sur la ligne de l'Amblève, dont Gouvy était en quelque sorte le terminus. Elle offrait en fait une desserte locale assez médiocre, vu le caractère encaissé et sauvage de la vallée de l'Amblève, qui avait poussé l'habitat sur les crêtes... Cette situation provoquera plus tard, dans la vallée de l'Amblève, une désaffection marquée vis-à-vis du chemin de fer, incapable de «faire du porte à porte». Par contre, le trafic marchandises, notamment de minerais à l'époque de la découverte de la «minette» lorraine, passa désormais par la ligne de l'Amblève, et fit ainsi l'économie du détour et des rampes audacieuses de la ligne Spa - Trois-Ponts.

Gouvy, nœud ferroviaire

Dès 1885, la gare de Gouvy devint une gare de correspondance, par le prolongement, via Bourcy et Tavigny, de la ligne Libramont - Bastogne, ouverte au trafic en 1869 par la «Grande Compagnie du Luxembourg». Le prolongement jusqu'à Gouvy et à la ligne internationale, instamment demandé par les populations locales, et notamment par les agriculteurs, fut tracé par les crêtes, sur quelque trente kilomètres. A l'époque, certains rêvèrent même à l'établissement d'une liaison directe entre Gouvy et... Sedan !

D'autres travaux ferroviaires, beaucoup plus amples cette fois, attendaient les cheminots de Gouvy pendant la Première Guerre mondiale. L'initiative revint à l'occupant prussien, préoccupé par la carence en voies de communication rapides entre le Rhin et le «front de Verdun». Ainsi, dans la région, les Prussiens portèrent-ils la ligne de l'Amblève à double voie. En outre, à Rencheux, au nord de Vielsalm, ils posèrent un triangle afin de permettre le raccordement à une ligne transversale neuve et à double voie, rejoignant la Vennbahn (axe nord-sud Aix-la-Chapelle - Saint-Vith - Troisvierges) à Born, via Recht et Ligneuville. Quant à la gare de Gouvy, elle fut dotée d'une ligne ferrée entièrement neuve et à double voie, en provenance de Saint-Vith via Maldange; cette artère, ouverte au trafic militaire en février 1918 semble-t-il, trouvait son prolongement naturel dans la ligne Gouvy - Bastogne - Libramont, portée elle-même à double voie, et au-delà vers Bertrix - Muno - Messempré et Carignan: une voie de pénétration idéale de la Prusse vers le front situé dans l'est de la France.

Mais seuls les trains militaires parcoururent un itinéraire aussi extravagant à nos yeux... Une fois la paix retrouvée en 1918, la gare de Gouvy, elle-même agrandie, se retrouva flanquée de deux antennes à grand débit, disproportionnées par rapport aux besoins locaux. Quant au village lui-même, il s'étendit progressivement, car de nombreux cheminots s'y installèrent: le chemin de fer était devenu le premier employeur de la région. Gouvy avait été flanquée d'une remise à locomotives et d'ateliers divers, tandis que le trafic de marchandises de transit entre la Belgique et le grand-duché de Luxembourg ne cessait de croître. Le plus célèbre courant de trafic fut sans doute constitué par les célèbres trains de coke qui, pendant près d'un siècle, relièrent journellement les cokeries d'Alsdorf (près d'Aix-la-Chapelle) et les usines sidérurgiques implantées dans le sud du grand-duché: sur 226 kilomètres, ils empruntaient la totalité de l'axe constitué par la ligne de l'Amblève et de son prolongement grand-ducal, surnommé là-bas la «ligne du Nord». À Gouvy, station frontalière, on procéda pendant longtemps à l'échange de locomotives... et à l'allège des trains lourds jusqu'au faîte de Bellain, à la frontière grand-ducale. Il faut savoir que la gare de Gouvy est en fait installée dans une cuvette: à Bellain, se trouve l'endroit précis de la ligne de partage entre les bassins hydrographiques de la Meuse et du Rhin.

Par contre, les deux antennes de la ligne de l'Amblève - vers Bastogne et Saint-Vith - ne connurent pas le même essor: ils furent exploités sur le mode mineur du trafic local pendant l'entre-deux-guerres et ne résistèrent pas au développement des modes de transport par route. Les dommages très importants créés à son infrastructure pendant la Seconde Guerre mondiale condamnèrent la ligne Gouvy - Saint-Vith après la libération... mais son implantation laisse des traces dans le paysage de la région: ainsi en est-il pour des ouvrages d'art qui semblent avoir été construits pour défier l'éternité, comme le viaduc qui barre toujours aujourd'hui le paysage du village de Neundorf près de Saint-Vith. Quant à la ligne Gouvy - Bastogne, dont le trafic voyageurs et marchandises végétait, elle disparut avec l'application du plan IC-IR de 1984. Son assiette est aujourd'hui intégrée dans le projet wallon RAVeL.

Quelques aspects contemporains de l’activité ferroviaire de Gouvy

La remise à locomotives

La remise de Gouvy est «apparue dans les écritures» comme l'on dit dans le langage administratif, en 1924. Dès l'origine, elle fut titulaire des célèbres locomotives à vapeur de ligne type 81 et de manœuvre type 53 et ce, jusqu à leur retrait du service. Saviez-vous que, après l'extinction officielle de la traction vapeur sur le réseau de la SNCB le 20 décembre 1966, la remise de Gouvy fut le dernier établissement belge à se servir encore de trois locomotives type 81... jusqu'au 10 janvier 1967?

Plus près de nous, les anciens se souviennent encore d'une autre belle époque de la remise de Gouvy. Dans les années 1970 en effet, le dépôt comptait non moins de 68 conducteurs et la remise était titulaire d'un lot de célèbres locomotives diesel de ligne série 55 - surnommées «poêles à mazout» par le personnel - et de manœuvres série 82. La remise n'a-t-elle pas abrité les «55 bleues», ces engins modifiés spécialement pour remorquer sur la ligne de l'Amblève les derniers trains internationaux de la SNCB en traction diesel, et dont il fallait chauffer les voitures en mode électrique? Les conducteurs de Gouvy se rappellent qu'ils allaient jadis jusqu'à Montzen et même Aix-la-Chapelle-Ouest notamment pour y prendre en charge les trains de coke, composés des célèbres wagons «Talbot», reliant quotidiennement les cokeries d'Alsdorf et les usines sidérurgiques de la vallée de l'Alzette: ce trafic séculaire n'existe plus depuis 1992, à la suite de l'extinction des derniers hauts-fourneaux au grand-duché de Luxembourg et le remplacement de ce plus vieil outil sidérurgique, venu tout droit de la révolution industrielle, par des aciéries électriques. Ils assuraient aussi les trains auto-couchettes au départ de Maastricht, un trafic supprimé lui aussi pour cause de manque de rentabilité économique... tout comme «L'Ardennais», singulier train «T» avant la lettre, qui reliait Anvers à Bastogne à la belle saison, avant d'être détourné vers Ettelbruck. Au sud, ils allaient jusqu'à Luxembourg, en tète des trains internationaux, notamment le célèbre «134/135n, qu'empruntaient les immigrés italiens pour retourner au pays pendant leurs vacances, mais aussi à Bastogne, Libramont et Bertrix, grâce aux autorails séries 44 et 45, qui disparurent de Gouvy à la fermeture du tronçon Gouvy - Bastogne en 1984. En trafic marchandises, ils pilotaient en outre le caboteur Gouvy - Bastogne-Sud, et assuraient le trafic du bois à Limerlé, Tavigny, Bourcy et Bastogne-Sud où ils procédaient en outre au ravitaillement du dépôt de carburant Esso. Comment ne pas oublier la desserte de l'ancien dépôt de l'OTAN de Bovigny, des cours à marchandises de Vielsalm et Trois-Ponts, et surtout la desserte de la partie sud du défunt réseau ferré des Cantons de l'Est. Ainsi, les conducteurs de Gouvy assuraient-ils avec leurs locomotives série 82 le trafic de cabotage tantôt vers Malmédy, Wévercé et même Losheimergraben, à la frontière allemande, tantôt vers Saint-Vith, via Waimes. Lorsque le trafic local fut supprimé sur ces lignes, la remise de Gouvy assura les lourds trains de bois pour la scierie de Bullange et les trains militaires pour le camp militaire d'Elsenborn, via la gare de Sourbrodt, jusqu'à leur suppression à la fin de l'année 2003.

Aujourd'hui, tous ces trains ne sont plus qu'un souvenir... Quant à la remise elle-même, elle a été fermée au courant de l'année 1997: ses bâtiments sont coupés des autres voies de Gouvy depuis l'an dernier.

La gare de Gouvy en 2006 : un établissement exclusivement voué aux voyageurs

Ne le cachons pas: la survie de l'axe ferroviaire Liège -Luxembourg par Gouvy a été menacée au début des années 1980. Il doit sa pérennité notamment... aux projets TGV. La création de l'axe à grande vitesse Paris - Bruxelles - Liège -Francfort au nord et la liaison entre la capitale luxembourgeoise et la ligne TGV franco-allemande Paris - Strasbourg -Francfort ont donné à la ligne Liège - Gouvy - Luxembourg une nouvelle dimension: une ligne de maillage du réseau à grande vitesse européen. C'est surtout dans cette perspective que notre ligne a finalement été maintenue, modernisée et électrifiée.

C'est ainsi que les caténaires 25 kV ont fait leur apparition en gare de Gouvy en deux épisodes: vers le sud d'abord et le grand-duché de Luxembourg en 1993, vers le nord ensuite et Rivage en 1999 et 2000.

Mais n'oublions pas l'essentiel: le chemin de fer n'est rien sans les hommes et les femmes qui le font fonctionner. La zone de Gouvy comprend aujourd'hui les gares de Gouvy et de Vielsalm, ouvertes 24 heures sur 24. Infrabel-Réseau y met en poste un chef de zone, huit sous-chefs de gare, six sous-chefs de gare adjoints, un commis de factage, dix-sept signaleurs de ire classe, deux visiteurs de matériel, sept agents de triage et deux chargeurs. Parmi ceux-ci, plusieurs sont en poste à Vielsalm: en matinée, une équipe de trois cheminots (un sous-chef de gare adjoint, un signaleur de l'e classe et un chargeur), l'après-midi un sous-chef de gare adjoint, un signaleur de 1re classe. Pendant la nuit, le sous-chef de gare adjoint est seul en gare.

Au rayon «signalisation», les quatre voies à quai de Gouvy et ses faisceaux marchandises sont commandés par deux cabines «Siemens» typiques. Quant au bâtiment voyageur originel, il est en cours de reconditionnement interne afin d'accueillir le dépôt des conducteurs de trains et des accompagnateurs.

Gouvy et le plus petit train de voyageurs de Belgique

La direction Trains de la SNCB dispose d'une trentaine de conducteurs à Gouvy: aux commandes des locomotives série 3000 des CFL - homologues de nos «13», ils partagent la conduite des huit paires de trains IR Liers - Liège -Luxembourg avec leurs homologues luxembourgeois des CFL. Ils assurent aussi le train direct Gouvy - Bruxelles-Midi et retour, tracé par la ligne à grande vitesse entre Ans et Louvain, et équipé d'une locomotive sérié 13 et d'une rame réversible de voitures I 11, qui sera intégré dans le nouveau roulement des IC «0» Bruxelles- Liège en décembre prochain. Enfin, ils desservent les trains de pointe du service intérieur belge entre Gouvy, Liège-Guillemins et Liers, grâce aux trois quadragénaires locomotives série 15 tritension,, survivantes des anciens trains TEE et autres trains de prestige Amsterdam - Bruxelles - Paris et autres Liège - Paris, d'avant la desserte «Thalys»: les «15» achèvent donc, pour quelques mois encore, leur carrière à Gouvy, où la présence d'engins bicourant est indispensable sur la ligne de Liège, électrifiée en 25 kV alternatif jusqu'à Martinrive, où on retrouve le 3 kV continu «classique» à la SNCB jusqu'à Liège .

Parmi ces trains de pointe, le plus original est sans doute le «train des écoliers», mis en ligne en début de matinée entre Gouvy et Trois-Ponts: il s'agit assurément du convoi pour voyageurs le plus court du réseau ferré belge, puisque la locomotive série 15 tracte... une seule voiture de 2' classe de type 16 ou I 10. De l'avis des accompagnateurs de train de Gouvy, les jeunes voyageurs font régner l'ambiance toute particulière que l'on devine dans ce singulier convoi souvent en surcharge...

Nous l'avons écrit, la gare de Gouvy est aujourd'hui exclusivement consacrée au trafic des voyageurs: depuis décembre 2005 et la création de SIBELIT1, les derniers trains de marchandises internationaux ont déserté la ligne Liège -Luxembourg. Tout le trafic fret de transit Belgique -Luxembourg - est de la France - Suisse - Italie du nord passe désormais par l'axe «Athus-Meuse». Le seul train de marchandises qu'on peut encore apercevoir épisodiquement dans la région est mis en ligne par B-Cargo au départ de Kinkempois, pour desservir à la demande la cour à bois de la gare de Vielsalm.

Le dépôt de Gouvy des accompagnateurs de trains compte aussi une trentaine d'agents: à la différence des conducteurs, ils sont systématiquement relayés par leurs collègues luxembourgeois sur les trains IR soit à Gouvy, soit à Troisvierges. Ces derniers assurent aussi la desserte des deux trains de pointe Gouvy - Luxembourg et retour, assurés par les nouvelles voitures à deux niveaux luxembourgeoises: ces liaisons sont promises à un bel avenir dans le cadre des relations transfrontalières de proximité qui, à l'heure de l'Europe, suscitent un intérêt nouveau dans une région où de nombreux habitants ont trouvé du travail au grand-duché.

Terminons le tour d'horizon des cheminots de Gouvy en mentionnant la brigade Infrabel (direction Infrastructure), forte d'une quinzaine de cheminots et chargée de l'entretien des voies entre Rivage et Gouvy: naguère basée à Gouvy, elle a pris ses quartiers dans les locaux de la gare de Trois-Ponts depuis le 1er janvier de cette année.

Gouvy…un riche passé ferroviaire...un avenir prometteur ?

Les accords intergouvernementaux belgo-luxembourgeois de novembre 2005 concernant l'amélioration des liaisons ferroviaires entre les deux pays ne prévoient pas seulement la finalisation du projet Eurocaprail2 entre Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg - un projet de longue haleine - et la réouverture au trafic voyageur de l'axe Virton - Rodange - Luxembourg/Arlon - qui sera effective en décembre prochain, mais aussi l'amélioration de l'offre voyageurs entre Liège et Luxembourg. Les deux gouvernements ont confirmé que ce dernier axe constitue une ligne de maillage du réseau TGV européen. Dans la perspective de la mise en service de la ligne franco-germano-luxembourgeoise «TGV-Est» Paris -Strasbourg/Luxembourg/ Francfort en juin 2007 et de la mise en service des nouvelles infrastructures TGV belges entre Liège et l'Allemagne (LGV 3 Chenée - Walhorn) en décembre 2007, la SNCB et les CFL ont été priées de se concerter afin d'optimaliser le concept d'exploitation de la ligne Liège -Luxembourg. Elles ont convenu que des propositions de décision pourraient être présentées lorsque les nouveaux sillons des trains Thalys et ICE Bruxelles - Cologne seraient définitivement connus; l'horizon 2008-2009 est donc retenu pour l'introduction d'améliorations significatives des services ferroviaires entre Liège et Luxembourg.

À Gouvy, où on nous a réservé un accueil chaleureux pour la préparation de cet article, on attend donc 2008-2009 pour voir.

SIBELIT: Société d'Itinéraire Benelux-Lorraine-Italie. Société de production de convois ferroviaires de droit luxembourgeois dont le siège social serait au grand-duché de Luxembourg.

Eurocaprail: Ce projet vise à améliorer les liaisons ferroviaires entre les trois villes capitales de l'Europe: Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg. TUC Rail est chargé de l'étude de différents scénarios pour augmenter la vitesse commerciale sur cette ligne

 

Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB octobre 2006

 

 

 

De la vapeur aux trains IC...

LIÈGE - VISÉ - MAASTRICHT

HISTOIRE D'UNE LIGNE INTERNATIONALE...

Le 10 décembre prochain, à l'occasion du traditionnel changement d'horaires, la SNCB apportera notamment de substantielles améliorations à son offre de transport entre Bruxelles et Liège. Grâce à la mise en service intégrale de la ligne 36 N entre Bruxelles-Nord et Louvain, le temps de parcours entre Bruxelles-Nord et Liège-Guillemins descendra à... 51 minutes pour les trains de service intérieur les plus rapides. Justement, une toute nouvelle liaison sans arrêt intermédiaire entre Bruxelles et Liège sera introduite en semaine: l'IC «0», mis en ligne au départ de Bruxelles-Midi. Cette nouvelle liaison aura une autre originalité: elle sera systématiquement prolongée de Liège-Guillemins à Maastricht, ville mosane de l'extrême sud des Pays-Bas, via Bressoux et Visé. Les avantages de ce prolongement sont évidents: un lien commode et confortable entre Liège et Maastricht, deux villes jumelles de l'Euregio... et aussi la possibilité pour les voyageurs néerlandais d'accéder rapidement et confortablement aux TGV Thalys de l'axe Paris - Cologne, grâce à des correspondances très étudiées en gare de Liège-Guillemins. L'occasion était toute trouvée pour nous pencher sur la petite et la grande histoire de la ligne Liège -Maastricht, une artère peu médiatisée, alors qu'elle fait partie des grands courants de trafic du réseau de la SNCB...

Liège, Maastricht, une ligne très ancienne

La mise en service de la ligne Liège - Visé - Eijsden-frontière est très ancienne: elle fut mise en œuvre le 24 novembre 1861 par le Chemin de fer de Liège d Maastricht et extensions. Cette petite compagnie privée de droit belge avait notamment pour actionnaires les frères Rothschild dont le nom est lié à la célèbre Compagnie du Nord. D'une longueur globale de 30 kilomètres, dont 11 sur territoire néerlandais, notre ligne au profil facile fut construite «à l'économie», à fond de vallée de la Meuse, sans aucun ouvrage d'art... et truffée de passages à niveau. Ses concepteurs ne manquaient pas d'ambition puisqu'ils prétendaient relier par la voie la plus courte les provinces méridionales de la Belgique, du grand-duché de Luxembourg et de la France aux villes hollandaises de Venlo, Nimègue, Zutphen, Zwolle, Arnhem, Enschede... et aux villes allemandes d'Oberhausen, Hanovre, Berlin...

La gare liégeoise tête de ligne et le siège social de la petite compagnie avaient été fixés à Liège-Longdoz, l'autre grande station liégeoise du XIX siècle. Aujourd'hui disparue, cette gare monumentale en cul-de-sac était la propriété de la prestigieuse compagnie du Nord-Belge, et le point d'aboutissement de «sa» ligne vers Flémalle-Haute - Namur et Givet par Seraing ou Tilleur. Si les deux compagnies coexistaient à Liège-Longdoz, elles restèrent deux entités différentes, avec exploitation séparée: ainsi, on n'avait pas prévu de raccordement ferroviaire direct permettant de passer directement de Bressoux à la bifurcation de Froidmont. Cette liaison directe - comportant un tunnel de 78 mètres à Froidmont sera en fait établie par l'occupant prussien, en 1917, créant par là même le «quadrilatère de Kinkempois»: ainsi, la ligne de Maastricht sortit du cadre étriqué d'une petite ligne locale pour se trouver en relation avec Liège-Guillemins, et aussi avec la gare de triage de Kinkempois, commune à l'État et au Nord Belge.

Des trains-tramways entre Liège et Visé

Depuis le milieu du XIX' siècle, la «ligne de Maastricht» partage la rive droite de la vallée de la Meuse avec la route nationale et ... les nombreux villages riverains. Aussi, comporta-t-elle d'emblée les stations de Liège-Longdoz (commune avec le Nord-Belge), Jupille, Wandre, Cheratte, Argenteau, Visé, et - sur territoire néerlandais - Eijsden, Gronsveld et Maastricht-Wijck. De nombreux autres points d'arrêt furent ensuite implantés au fur et à mesure de l'industrialisation de la vallée de la Basse Meuse. Pour les desservir, la Compagnie de Liège à Maastricht fut à l'origine d'une grande première en Belgique: la mise en service, en 1884, de trains omnibus très légers, dits «trains-tramways» entre Liège-Longdoz et Visé. Il s'agissait de convois de deux voitures à deux essieux, qui marquaient l'arrêt non seulement aux stations et aux haltes, mais aussi aux passages à niveau, équipés d'un quai d'embarquement sommaire en cendrées: il y en avait tous les kilomètres environ... Les titres de transport étaient délivrés à l'intérieur des voitures, comme dans un tram.

Notre ligne fut reprise par l'État belge - jusqu'à la frontière néerlandaise - le 1' janvier 1899, dans le cadre de la politique de nationalisation du réseau ferré du gouvernement de l'époque, afin de contribuer à maintenir l'indépendance nationale.

Petite histoire des gares de la ligne

Bressoux et ses trois bâtiments de gare

Initialement, une halte - joliment dénommée «Trou Louette» jusqu'en 1909 - avait été ouverte dès 1861 à Bressoux, au pied du passage à niveau du même nom. À la reprise de la ligne par l'État belge, la halte disparut pour être remplacée par un bâtiment de gare sans logement de fonction, de plan classique, à six travées. Une deuxième bâtisse fut érigée en 1929: construite en prévision de l'exposition internationale de 1930 - qui devait se tenir non loin de là, sur l'ancienne plaine militaire des manœuvres - elle combinait colombages et verre dans un style très simple et caractéristique de l'époque. De plus, elle avait été conçue comme un bâtiment démontable, dans la perspective d'être plus tard transférée à Bruxelles pour servir lors de l'exposition de 1935. En fait, ce «transbordement» n'eut jamais lieu, et la bâtisse «provisoire» resta finalement en place pour n'être remplacée qu'en 1974, par un troisième bâtiment, imaginé sur le concept de «gare-parapluie», importé des Pays-Bas, avec un seul et vaste auvent abritant bâtiment des recettes et premier quai. C'est toujours l'édifice actuel...

L’évolution spectaculaire des installations ferroviaires de Bressoux

À l'aube du XX' siècle, sous le régime de l'État, la gare de Bressoux ne disposait que d'une classique cour à marchandises.

C'est la Première Guerre mondiale qui lui donna une autre dimension. Pour ses besoins militaires, l'occupant prussien repensa complètement la finalité de la ligne de Visé, dans le cadre de la construction d'une ligne ferrée directe entre Tongres, Visé, Montzen et Aix-la-Chapelle, afin de relier directement le port d'Anvers au conglomérat industriel de la Ruhr. Dans ce cadre, la gare de Bressoux - qui devait par ailleurs être flanquée d'un champ d'aviation militaire prussien - fut dotée de 13 voies de garage... et d'une signalisation mécanique de type allemand, restée en service jusqu'en 1927!

L'Entre-deux-guerres fut le théâtre du développement spectaculaire de la gare de Bressoux. Après l'Armistice de 1918, un trafic marchandises considérable dut être traité dans la région liégeoise, notamment d'énormes fournitures de charbon de la Ruhr, dues par l'Allemagne au titre des réparations de guerre prévues par le Traité de Versailles. Comme ce charbon était importé d'Allemagne par le rail et la nouvelle ligne Montzen - Visé, la gare de Bressoux fut désignée comme site de délestage de la gare de formation de Kinkempois, à l'époque complètement saturée. Aussi, fut-elle transformée en vraie gare de triage entre 1924 et 1928.

Ce n'est pas tout... Bressoux fut dotée, dès 1927, d'un mélangeur à charbon pour alimenter en combustible les locomotives à vapeur de tous les dépôts situés à l'est de l'axe Anvers - Bruxelles - Namur - Arlon: celui-ci traitait les charbons provenant des bassins liégeois et limbourgeois, qui y étaient mélangés afin d'obtenir le combustible le plus adéquat pour maintenir le feu des locomotives. Quelques années plus tard, Bressoux fut aussi équipé d'un raccordement ferré provisoire à l'Exposition internationale de l'Eau, que la ville de Liège avait organisée en 1939 sur le site de Coronmeuse: une voie unique terminée par un épi de deux voies, avec quai central, fut desservie pendant toute la durée de la manifestation, non seulement par un autorail diesel triple, mais aussi, une fois par jour, par une rame tractée venant directement de Bruxelles.

La destruction accidentelle du pont ferroviaire du Val-Benoît à Liège, le 31 août 1939, à la veille de la «drôle de guerre», renforça encore le rôle joué par la gare de Bressoux. Les installations de Liège-Longdoz étant saturées, tous les trains de voyageurs pour les vallées de l'Ourthe et de l'Amblève durent être formés à Bressoux, qui se trouva dotée en catastrophe d'une réserve de voitures à voyageurs, de tanks à gaz et de batteries pour l'alimentation des circuits d'éclairage des voitures. D'autre part, comme les débris du pont du Val-Benoît empêchaient la navigation sur la Meuse, l'approvisionnement en charbon des usines Ougrée-Marihaye ou Cockerill par la voie d'eau était compromis. Le port flambant neuf de Monsin, sur le tout nouveau canal Albert, fut équipé à la hâte de grues afin de transborder le charbon campinois des péniches sur des wagons, afin d'amener le combustible jusqu'aux installations sidérurgiques éparpillées le long de la ligne 125 bis Kinkempois - Seraing - Flémalle-Haute.

Bref, Bressoux, désormais classée «gare de 1' catégorie», avait trouvé là une vocation de gare de formation. Celle-ci ne se démentit pas pendant la Seconde Guerre mondiale et culmina de 1944 à 1946, lorsque l'armée américaine y installa un grand dépôt de ravitaillement pour ses armées du front de l'Ouest. À la même époque, elle dut prendre le relais de la gare de formation de Kinkempois, rendue inutilisable par les bombardements alliés.

Après la Seconde Guerre mondiale, la gare de Bressoux, avec ses faisceaux spacieux, servit de gare de concentration pour le trafic de tous les raccordés de la ligne jusqu'à Visé. Elle disposait aussi d'un raccordement à l'usine à gaz et à la centrale électrique de Bressoux, un raccordement à un marchand de mitrailles et un autre au marché couvert de produits frais de Droixhe, installé dès 1962 par la ville de Liège sur le site anciennement occupé par le mélangeur de charbon de la SNCB, désaffecté en pleine période de «dieselisation» du réseau.

Les reconversions contemporaines de Bressoux:

Des "autos-couchettes» aux trains de fonte en fusion

L'histoire de la gare de Bressoux de ces cinquante dernières années fut émaillée de reconversions en tout genre. Si, pour le trafic des voyageurs, Bressoux perdit le trafic omnibus de la ligne de Visé en 1956, ses vastes étendues ferroviaires et sa proximité avec le réseau autoroutier la firent désigner comme gare de chargement et de déchargement pour les trains autos-couchettes dont les réseaux de chemin de fer d'Europe de l'Ouest avaient décidé la création. C'est ainsi que le premier train autos-couchettes Amsterdam -Avignon put faire escale en gare de Bressoux - aménagée pour la circonstance de rampes pour l'accès des voitures sur les wagons porte-autos - le 30 juin 1960. Ce trafic dura pendant plus de quarante ans: il fut supprimé le 26 septembre 2003.

Pour le trafic des marchandises, outre son rôle de gare gérante des dépendances de Jupille et de Wandre, Bressoux, comptait non moins de vingt-cinq entreprises raccordées, et gérait les installations du port de Monsin... et de Chertal, où la SA Métallurgique d'Espérance-Longdoz avait installé une nouvelle aciérie et un laminoir à chaud en 1963 sur les terrains de l'île Monsin. Desservies par la ligne à voie unique industrielle, qui donne aussi accès au port de Monsin, ces nouvelles installations sidérurgiques devaient être alimentées en fonte en fusion (à une température moyenne de 1 3001 par les hauts-fourneaux d'Ougrée et de Seraing. Il revint à la SNCB d'organiser ce trafic très spécial, sur les 21 kilomètres séparant Seraing de Chertal, par wagons-thermos.

Ces convois très originaux, baptisés «FO», mis en ligne dès le mois de mai 1963, circulent pour quelques années encore, car la fin de la sidérurgie à chaud est programmée dans le bassin liégeois. Faut-il ajouter que le chemin de fer prend aussi sa part dans l'évacuation des produits finis à Chertal ? C'est aussi à Bressoux que fut mise en service en 1972, une des plates-formes multimodales de la région liégeoise. Personne ne s'étonnera donc d'apprendre que les emprises de la gare de Bressoux couvrent aujourd'hui quelque 40 hectares.

Enfin, l'instauration du plan IC-IR de la SNCB pour le trafic des voyageurs en 1984 ramena un trafic voyageurs régulier en gare de Bressoux. Les trains IC de la liaison Knokke/Blankenberge - Visé (puis Maastricht) firent désormais systématiquement arrêt toutes les heures à Bressoux. Depuis 1998 (seconde mouture du plan IC-IR), ces trains ont été déclassés en catégorie «L»: des automotrices électriques doubles classiques assurent aujourd'hui un service international de proximité de Liège-Guillemins à Maastricht... jusqu'à l'arrivée des voitures I 11 de l'IC «0» Bruxelles - Liège -Maastricht en décembre prochain.

De Bressoux à visé

La gare de Jupille, aujourd'hui disparue, gérait un gros trafic de petits colis express et en recevait un autre très original: des wagons entiers... de pommes en provenance des Pays-Bas, la matière première d'une distillerie locale. De plus, la gare de Jupille disposait de multiples raccordements, aujourd'hui hors service, notamment au charbonnage de la Violette ou à la brasserie Piedboeuf, intégrée aujourd'hui dans le groupe Imbev. Mais il y avait également un raccordement aux chaudronneries dépendant de la brasserie, qui fabriquaient aussi des chaudières pour bateaux ou locomotives, un autre à des laminoirs, des forges, une tôlerie et des scieries.

La gare de Wandre possédait aussi plusieurs raccordements, dont celui du port pétrolier et celui du nouveau siège du charbonnage de la Bure. Plusieurs autres charbonnages étaient par ailleurs embranchés sur la ligne comme le charbonnage du Hasard de Cheratte qui disposait d'une gare privée, située entre le point d'arrêt de Château-Cheratte et la gare de Cheratte, dotée d'un faisceau d'une dizaine de voies pour desservir le charbonnage d'Abhooz. Les aciéries de la Meuse, spécialisées dans le moulage de cœurs d'aiguillages et autres produits ferroviaires, étaient par ailleurs sous-embranchées en gare de Cheratte. C'était l'époque où le camion ne régnait pas encore en maître sur les expéditions et où le chemin de fer jouait un rôle essentiel dans la circulation des marchandises...

Visé et ses gares à deux niveaux: Visé-Haut et Visé-Bas

La ville de Visé disposa de plusieurs points d'arrêt, dont «Visé-Central» au droit de la collégiale, dénommé aussi «Pont de Visé». Supprimé en même temps que le trafic omnibus entre Liège-Guillemins et Visé en 1956, ce dernier point d'arrêt fut remis en service en tant que «nouvelle» gare voyageurs de Visé, plus proche du centre de la localité que la «gare historique». La gare voyageurs actuelle de Visé est installée depuis lors au droit du pont routier, qui enjambe aujourd'hui les voies de chemin de fer, l'autoroute et la Meuse. Notons que, malgré la suppression du trafic omnibus sur la ligne, la gare de Visé ne fut jamais privée de desserte voyageurs: tous les trains de la liaison Liège - Maastricht, assurés jusqu'à l'électrification par des autorails diesel des Nederlandse Spoorwegen, continuèrent à y marquer l'arrêt.

Quant à la gare «historique» de Visé, elle se trouve en fait sept cents mètres plus au nord, au droit du «pont des Allemands» où les lignes 40 Liège - Maastricht et 24 Tongres - Montzen se croisent à angle droit mais à des niveaux différents. Le bâtiment de gare originel de Visé avait été construit par le Chemin de fer de Liège d Maastricht, à l'instar de ses homologues belges de Jupille, Argenteau, Wandre, et neérlandaises d'Eijsden et Gronsveld. Il était caractérisé par cinq parties: deux hauts pavillons latéraux encadrant un corps central bas flanqué de deux autres ailes basses. Ravagé lors de l'attaque allemande d'août 1914, il fut remplacé par un bâtiment trapu et sans originalité architecturale, érigé au pied du «nouveau» viaduc de Visé...

La physionomie des installations de Visé fut en effet bouleversée à partir de 1917, avec la création, par l'occupant prussien, de la ligne Tongres - Montzen. La partie nord de la gare fut barrée par un viaduc permettant à la nouvelle ligne d'enjamber la vallée de la Meuse. Deux raccordements à double voie furent aussi posés pour permettre aux trains venant de Liège de gravir la rampe d'accès au viaduc en direction de Tongres et Anvers ou de l'Allemagne.

Visé disposa ainsi de deux gares, situées à des niveaux différents, et reliées par un réseau d'escaliers. Visé-Bas, le long de la ligne des Pays-Bas, était la gare internationale tandis que Visé-Haut, quelques dizaines de mètres au-dessus de la précédente et à sa perpendiculaire, assurait la desserte de la ligne Tongres - Montzen. À Visé-Haut, le service des voyageurs ne dura pas bien longtemps: les trains de voyageurs disparurent entre Visé et Montzen dès 1957. Vers Tongres, le trafic des voyageurs ne fut jamais rétabli après 1944...

Un seul bâtiment de gare, à Visé-Bas, assurait les services des voyageurs et des marchandises. Celui-ci, devenu trop petit et fortement abîmé à la suite des hostilités, fut renouvelé en 1949 par une longue bâtisse à un étage, sans aucune prétention architecturale, à une époque où la reconstruction du réseau meurtri par la guerre ne permettait aucune fantaisie. Ce bâtiment, qui existe encore aujourd'hui, a des fonctions de service interne à la SNCB, depuis que les voyageurs sont accueillis dans une «nouvelle gare» située au droit du pont.

Les installations de Visé étaient évidemment étendues, vu son statut de gare frontalière avec les Pays-Bas, avec une remise à locomotives, supprimée en 1951... Et même une voie de quarantaine, côté Meuse, où étaient rangés les wagons de bestiaux à l'importation, qui devaient y stationner le temps jugé nécessaire par les services vétérinaires belges pour éviter d'amener en Belgique des maladies contagieuses pour le bétail comme la fièvre aphteuse...

La ligne 40 aujourd’hui

Depuis la suppression de la gare de Liège-Longdoz en 1960, et le démontage de ses installations en 1963, c'est la gare de Liège-Guillemins pour le trafic des voyageurs et Kinkempois pour les marchandises qui sont les têtes de ligne. La ligne, sinueuse, ne permet pas une vitesse de référence supérieure à 120 km/h.

Si le trafic omnibus des voyageurs entre Liège-Guillemins et Visé est supprimé depuis 1956, le trafic de voyageurs direct entre Liège et Maastricht n'a jamais cessé. À la vapeur, les trains étaient souvent composés d'une locomotive type 64 et de voitures GCI. Ensuite, à la fin des années 1950, il fut repris en traction diesel par les autorails des Nederlandse Spoorwegen, qui faisaient traditionnellement leur terminus à Liège-Guillemins, avant d'être prolongés à partir de 1976 vers Liège-Palais et Herstal, dans le cadre de la création d'un «métro liégeois».

Outre ce trafic international de proximité, on trouvait aussi un train international journalier sur la ligne, l'Amsterdam -Bâle, prolongé en saison jusqu'à Gênes. C'était «le train des Italiens», qui, l'été venu, ramenait au pays les nombreux membres de la colonie italienne traditionnellement implantée en région liégeoise. Il était composé de voitures italiennes, d'un fourgon suisse... et d'une voiture-restaurant néerlandaise typique, dont les cuisinières étaient chauffées... au coke !

Cette organisation traditionnelle fut bouleversée en 1984 par l'application du plan IC-IR, qui apporta une nette amélioration sur la ligne grâce à son électrification: la caténaire arriva à Bressoux en 1977 et à Visé en 1982; au nord de Visé, vers les Pays-Bas, la ligne fut mise sous tension trois ans plus tard. Un service cadencé horaire fut mis en ligne de Knokke à Maastricht, avec arrêts à Bressoux (gare rouverte pour l'occasion) et Visé (ce qui permit aux Visétois de disposer d'une liaison directe avec Bruxelles). En 1998, une seconde mouture du plan IC-IR «dégrada» les services voyageurs de la ligne dans la catégorie «L»: une automotrice faisant la navette entre Liège-Guillemins et Maastricht. Trois relations IC vers Bruxelles étaient néanmoins maintenues en semaine, aux heures de pointe; l'arrivée de l'IC «0» en décembre prochain apportera donc une amélioration décisive en semaine.

Le trafic marchandises

Il fut très chargé de Kinkempois à Visé, surtout après 1918. Aujourd'hui, la ligne fait partie du couloir fret majeur reliant l'Allemagne à la France par Montzen, Visé, Kinkempois, Namur, Charleroi et Jeumont. En outre, les bifurcations implantées au nord de Visé permettent aux trains originaires de Kinkempois de rallier le nord du pays.

Le trafic frontalier belgo-néerlandais est, par contre, plus réduit. Néanmoins, depuis quelques années, on assiste à un certain renouveau de celui-ci, grâce à des trains directs entre la gare de triage liégeoise de Kinkempois et Sittard, pour la desserte du port conteneurs de Born, sur la Meuse.

Dans le sens Belgique - Pays-Bas, la section internationale à double voie trouve son origine à la sortie nord de la gare de Visé. Elle passe sous le viaduc de la ligne Visé - Montzen, et longe ses raccordements. Il reste alors quelques centaines de mètres à parcourir sur territoire belge, avant de franchir la frontière, parallèlement à l'autoroute et de se retrouver sur le réseau néerlandais, dans une situation un peu particulière: depuis 1985, les trains roulent à gauche jusqu'à Maastricht, contrairement à l'usage néerlandais, qui veut que les trains roulent... à droite.

La ligne Liège-Maastricht est ainsi, pour les voyageurs, une des deux liaisons ferroviaires entre la Belgique et les Pays-Bas, avec Anvers - Essen - Roosendaal, en attendant l'ouverture, l'an prochain, d'une troisième liaison - à grande vitesse cette fois - entre Anvers et Breda.

L’avenir

Dans les trains Liège - Maastricht, on peut aujourd'hui rencontrer de nouveaux clients: des voyageurs néerlandais en route pour l'aéroport de Zaventem ou en correspondance à Liège avec les TGV Thalys Paris - Cologne... mais aussi des étudiants de la région liégeoise, attirés par la réputation de la toute nouvelle université de Maastricht, où les cours sont dispensés en anglais afin de satisfaire une nouvelle clientèle très internationale. La «réforme de Bologne» est passée par là... et le chemin de fer peut y apporter une contribution originale en «effaçant les frontières» dans l'Euregio, grâce à une desserte internationale de proximité de qualité...

Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB novembre 2006

Maastricht aujourd’hui Maastricht-Randwijk

La gare d’Argenteau

Maastricht hier