La page  B.

Mise à jour : 03/07/2008 18:34:59

LES TRAINS DE CANOTEURS

Jemeppe 1953

Dinant

 

LES TRAINS DE CANOTEURS

ET

LA VALLÉE DE LA LESSE

Train de canoteurs... vous avez dit train de canoteurs?

Voilà assurément un des services les plus originaux organisés par la SNCB : un train touristique qui permet aux adeptes du kayak de s'adonner, en toute quiétude, à leur sport favori de la mi-mai à la fin septembre de chaque année. Le théâtre de cette aventure est la Lesse, entre Houyet et Anseremme, au confluent avec la Meuse. Dans une vallée au charme indéniable, rivière et chemin de fer - la ligne 166 Bertrix - Dinant - se faufilent dans un site enchanteur, dont le parc naturel de Furfooz fait partie intégrante.

ALLER EN TRAIN, RETOUR EN KAYAK...

Tous les jours de la période touristique, au petit matin, un train quitte la gare de Bertrix à vide, avec conducteur et accompagnateur du même dépôt. Jadis composé d'une rame de vieilles voitures M2, encadrée de locomotives diesel série 52 ou 53, il est aujourd'hui constitué d'autorails série 41 en unités multiples, offrant jusqu'à 450 places assises... Ce n'est pas superflu en haute saison !

Notre train rejoint d'abord Namur, pour y embarquer, dès 8 h 40, les premiers canoteurs venus en train de toute la Belgique. Direct jusqu'à Dinant, il musarde ensuite en régime omnibus dans la vallée de la Lesse avant de faire halte au terminus de Houyet. Les canoteurs, eux, descendent soit à Gendron-Celles, soit à Houyet, deux gares situées à un jet de pierre de la rivière et où sont installés les loueurs de kayaks. Chacun a compris la manoeuvre : si nos touristes remontent la Lesse en train, le retour se fait, lui, en kayak, vers Anseremme où une correspondance est assurée par autorail régulier pour Dinant, puis par train IC pour Namur et au-delà.

Une fois à Houyet, nos cheminots du train des canoteurs n'ont pas fini leur journée : le train rebrousse son chemin et rejoint Dinant à vide, pour effectuer trois autres navettes dans la matinée.

LA LESSE ET LES KAYAKS :

UNE HISTOIRE VIEILLE DE CINQUANTE ANS

Descendre la Lesse en canot de Houyet à Anseremme est un sport qui remonte sans doute à la fin des années quarante, lorsque des commerçants avisés mirent à la disposition des touristes de l'époque des chaloupes en bois, d'une contenance d'une dizaine de personnes. À une époque où les voitures individuelles étaient encore un luxe, la plupart des amateurs venaient par chemin de fer. À Dinant, ils prenaient le train à vapeur de « la vallée de la Lesse », qui reliait Dinant à Jemelle par Houyet, Hour-Havenne et Rochefort. Quelques années plus tard, avec l'apparition des matériaux modernes, les mêmes loueurs, les « rouges », les « bleus » et les « jaunes », purent mettre à l'eau des canoës et kayaks, qui provoquèrent un engouement encore plus grand. On raconte que le chef de gare de Houyet, inquiet de voir des centaines de touristes enthousiastes et peu disciplinés débarquer des trains réguliers dans sa station inadaptée à une telle affluence, demanda à sa direction un renforcement de son personnel de surveillance. Car Houyet-Ardenne - comme on disait à l'époque - était non seulement gare de bifurcation de la ligne de la Lesse vers Jemelle, aujourd'hui disparue, mais surtout tête de la ligne Houyet - Bertrix, section de l'Athus-Meuse où se croisaient de nombreux trains de grosses marchandises. Aujourd'hui, le problème est réglé : la SNCB a profité des récents travaux d'électrification pour transformer une des voies du faisceau marchandises en quai réservé uniquement aux canoteurs. Une sortie est même aménagée directement vers la Lesse, afin d'éviter que les voyageurs ne traversent les voies principales.

TRAIN ET KAYAKS, UN SUCCÈS DURABLE

La création du train touristique actuel et de la desserte cadencée à sens unique Dinant - Houyet en matinée date de la fin des années quatre-vingts.

Et le succès reste au rendez-vous, puisqu'au cours de la saison dernière, quelque 60 000 touristes ont emprunté le train des canoteurs, grâce à la formule « B-Excursion » comprenant le trajet en train de toute gare belge à Houyet, la descente de la Lesse sur 21 km en canoë ou kayak - monoplace, biplace ou à trois places -, et le voyage retour au départ d'Anseremme. Où est l'astuce ? En fait, le cours de la Lesse est tellement tourmenté entre Anseremme et Houyet qu'aucune route ne permet de parcourir la vallée d'un bout à l'autre : seul le chemin de fer permet une liaison aisée et rapide entre les deux localités. La ligne, mise en service en 1896, joue à cache cache avec la rivière, grâce à cinq ponts et autant de tunnels : les souterrains de Pont-àLesse (408 m), Furfooz (460 m), Gendron-Celles (381 m), Nini (201 m) et Ardenne (507 m). Grâce à ces ouvrages d'art, la longueur de cette section de ligne ne dépasse pas 12 km, alors que la Lesse, elle, se déploie sur 21 km ! Aussi, tout le monde prend le train : il n'est pas rare de croiser dans les autorails des membres du personnel des sociétés de kayaks, qui se rendent d'un embarcadère à l'autre... Seules les embarcations échappent à ce mouvement : camions et remorques spécialement équipés les ramènent, par la route, à leur point de départ.

LA LIGNE DINANT - HOUYET ET SON PATRIMOINE HISTORIQUE

Il y aurait beaucoup d'autres souvenirs à égrener à propos de la ligne Dinant - Houyet : le tronc commun avec l'ancienne ligne « Nord Belge » de la haute Meuse Dinant - Hastière - Givet jusqu'à la bifurcation de Neffe, le grand pont d'Anseremme resté à voie unique sur la Meuse...

Contentons-nous d'évoquer l'existence, en bordure du chemin de fer et juste avant le tunnel de Houyet, d'un curieux bâtiment en pierre, style forteresse, orné d'une tour d'angle et de créneaux. Un chemin de ronde délimite une vaste cour intérieure, décrit une spirale à partir du niveau de la voie et s'élève vers une sorte de terrasse. C'est l'ancienne « halte dArdenne », la gare privée du château royal voisin. Elle date de la construction de la ligne de la Lesse et Léopold Il l'utilisa régulièrement. En 1899, le Roi fit transformer le château d'Ardenne en un hôtel de grand luxe et il en confia la gestion à la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, qui se mit à organiser un service de voitures directes au départ de Paris-Nord ! Sous Albert 1er , la gestion de l'établissement fut reprise par la Société des Grands Hôtels, qui en maintint l'exploitation jusqu'en 1949, alors que la halte ferroviaire était déjà fermée depuis de nombreuses années.

Quant au bâtiment de la gare de Houyet, c'est toujours la construction d'origine : un édifice curieux, datant de 1894, de style « balnéaire », comme son homologue de Beauraing. C'était l'époque où les architectes construisaient, pour la bourgeoisie, des maisons particulières dans un style quelque peu « tape à l'oeil » avec pignons à fermette débordante, agrémentée de lattis et boiseries. Les architectes ferroviaires s'en sont inspirés : le surprenant bâtiment de gare de Waulsort, tout proche, dans la vallée de la Haute Meuse, en est un exemple plus extravagant encore. Par ses volumes, la gare de Houyet garde la trace de son importance passée : classée dans l'Entre-deux-guerres en deuxième catégorie, elle a occupé jusqu'à vingt-deux agents : le chef de gare, un sous-chef, un commis d'ordre, un agréé, trois agréés de mouvement, un téléphoniste, un garde-salle, un porteur de dépêches, trois chargeurs, trois manoeuvres et six signaleurs... Autant de « petits métiers du rail », indispensables à son exploitation, et dont beaucoup ont aujourd'hui disparu...

La SNCB a eu le bon goût de rénover complètement l'édifice l'an dernier, en conservant son esthétique originelle les façades ont été sablées, faisant réapparaître la brique rouge, les toitures revues, l'élégante marquise de quai réparée, les peintures refaites, l'intérieur reconditionné. Le dallage en gros pavés du premier quai a même été conservé... Ainsi, respectueuses du passé, les installations ferroviaires de Houyet ne déparent-elles pas dans une localité qui doit au chemin de fer son ouverture au tourisme.

EN GUISE D'ÉPILOGUE

Quant à notre train des canoteurs... une fois ses navettes terminées le long de la Lesse, il retourne à vide à Bertrix, en début d'après-midi, laissant la place aux autorails du service régulier... C'est ainsi que cette pittoresque desserte touristique se glisse, en été, entre les trains électriques de fret du corridor européen joignant les ports belges à l'est de la France, à la Suisse et à l'Italie...

 

Auteur : Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB août 2003

 

Seul le chemin de fer permet une liaison aisée et rapide entre Anseremme et Houyet.

Houyet  Houyet  Un train canoteurs à Dinant

Dinant : correspondance IC-train des canoteurs.  

 

 

 

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Jemeppe 1953

 

Jemeppe: il y a 50 an, le rail meurtrier

Il y a tout juste 50 ans, le 26 septembre 1953, Jemeppe était le théâtre d'une effroyable catastrophe du rail quatre morts et 213 blessés.

L’omnibus de Charleroi avait quitté Namur à 6 h 55. À son entrée en gare de Jemeppe, à 7 h 26, on s'aperçut d'une rupture d'attelage à l'un des wagons. La locomotive manoeuvra pour garer celui-ci, abandonnant sur la voie principale les voitures suivantes, des modèles vétustes en bois. Des ouvriers et surtout des élèves y patientaient, quelques-uns en jouant aux cartes.

C'est alors que surgit du brouillard le semi-direct LiègeTournai. Il vint balayer la rame sur une distance de 140 mètres, en pulvérisant la voiture de queue, où la loco tamponneuse pénétra sur huit mètres.

Trois élèves de l'Athénée de Tamines, âgés de 14 à 16 ans, trouvèrent la mort dans l'accident ou peu après, un quatrième passager, un adolescent lui aussi, succombant quelques jours plus tard.

Le terrible choc fit aussi de très nombreux blessés, des habitants de Ham, Franière, Gembloux, Moustier, Spy, Auvelais, Saint-Servais, Malonne, Namur, etc. Vers l'Avenir, qui avait déjà publié un compte rendu de la catastrophe le jour même dans son édition de midi, donna une première liste de 96 victimes dès le lendemain, avec, pour les plus atteintes, une description des lésions encourues. À côté de fractures du crâne, de jambes et de bras cassés, il y eut quantité de cas de contusions et d'écorchures, ce qui porta par la suite le bilan total à 213 blessés.

Bancs broyés

Les secours s'étaient déployés « dans le plus indescriptible désarroi », écrivait Abel Berger, en rapportant des lieux des images atroces de bancs broyés, de carrosseries déchiquetées et d'essieux tordus.

À cette époque où l'intervention d'urgence n'était pas organisée comme elle l'est à présent, ce sont les médecins des villages avoisinants qui vinrent d'emblée prodiguer leurs soins, tandis que les ambulances des cliniques et hôpitaux d'Auvelais, de Charleroi, Namur et celle de l'usine Solvay évacuaient les malheureux. Certains étaient conduits au dispensaire des Glaceries. Deux véhicules de la Croix-Rouge de Namur renforcèrent le dispositif de sauvetage.

Un samedi

Les premiers interrogatoires firent apparaître qu'un préposé à la signalisation, sur la base d'une communication reçue de la gare de jemeppe, via un tiers, avait cru de bonne foi que la rame se trouvait hors d'atteint du trafic. Le signal était donc resté ouvert. Le machiniste du semi-direct ne vit l'obstacle qu'à la dernière seconde. Il inversa la vapeur, mais c'était trop tard.

Dans les décombres des compartiments, des employé des chemins de fer rassemblaient et étiquetaient les cartables dispersés et accumulaient cahiers et chaussures d'enfants éparpillés de tous côtés.

Ce 26 septembre 1953 était un samedi. On allait encore à l'école le samedi en ce temps-là.

M.Gt.

Fatalité et imprudences

Dans un communiqué publié le lendemain, la SNCB invoqua la fatalité et le brouillard intense qui noyait la vallée de la Sambre, « ce qui n'a pas permis au personnel du train 481 (le Liège-Tournai) de voir la queue de la rame restée en gare ».

L'instruction judiciaire conduisit néanmoins à l'inculpation, pour homicides et blessures involontaires, du chef de gare et d'un garde-bloc de Jemeppe.

Leur procès en correctionnelle, plusieurs années plus tard, confirma que la consigne donnée verbalement par le premier au second, par l'intermédiaire du facteur de la gare, au sujet de la manoeuvre de garage de l'omnibus, avait été mal comprise.

Le Parquet fit grief au chef de gare de ne s'être pas entouré de toutes les mesures de sécurité qu'impliquait une manoeuvre délicate et dangereuse, et au garde de ne s'être pas assuré personnellement que la voie principale était dégagée.

La décision du Tribunal, modérée, tint compte de ces reproches, mais aussi des malencontreux concours de circonstances qu'avaient longuement soulignés les défenseurs.

Au civil, sur le plan des indemnités, on apprit à l'audience que 211 des 217 cas soulevés par la catastrophe avaient été réglés par transactions avec la SNCB.

Tout un chapitre de l'ouvrage Liège-Tournai, de 1936 aux IC/IR (imprimé chez Duculot en 1985) a été consacré à cette tragédie de 1953.

L'auteur, le Namurois Louis Dasset, y a reproduit les articles de presse de l'époque, mais y a donné aussi la composition précise des deux convois, avec numéros et types des voitures et des locos.

Un évêque, deux ministres

Les prêtres des paroisses de Moustier, Jemeppe-sur-Sambre et Mornimont étaient venus le samedi à l'endroit du drame pour prodiguer aux victimes les secours de la religion. Le sur lendemain, c'est l'évêque de Namur, Mgr Charue, qui se rendit à l'Institut médico-chirurgical d'Auvelais, au chevet des 35blessés soignés dans cet établissement. Il gagna ensuite Moustier, Ham et Soye, pour présenter ses condoléances aux familles si cruellement endeuillées. Parmi d'autres personnalités sur place le lundi, les ministres Segers, en charge des Communications et donc de la SNCB, et Harmel, qui détenait le portefeuille de l'instruction publique.

Des scènes poignantes s'étaient déroulées à la gare après, l'accident. Ne retenons que l'image de ce petit écolier, qui, le visage en sang, fouillait les débris du wagon laminé pour retrouver son cartable. On enregistra aussi une foule d'actes de dévouement, posés par des cheminots, des voyageurs indemnes, ou des habitants du quartier.

 

La manchette de Vers l'Avenir faisait état de trois morts, mais une quatrième victime succomba quelques jours plus tard. Le nombre des blessés s'alourdit lui aussi, passant de 96 à 213.

La manchette de Vers l'Avenir faisait état de trois morts, mais une quatrième victime succomba quelques jours plus tard. Le nombre des blessés s'alourdit lui aussi, passant de 96 à 213.

 

La voiture de queue, pulvérisé. Cassée en deux, son toit a été projeté, en accent circonflexe, sur la cheminée de la loco tamponeuse.

La voiture de queue, pulvérisé. Cassée en deux, son toit a été projeté, en accent circonflexe, sur la cheminée de la loco tamponeuse.

 

 

,Dinant

 

Fille de la Meuse, fille du chemin de fer

Au mois de mai dernier, la SNCB a procédé à l'inauguration du bâtiment rénové de la gare de Dinant, un projet inscrit au calendrier du centre d'activités Patrimoine de la SNCB, qui gère quelque quatre cents gares et de très nombreux édifices techniques, répartis sur l'ensemble du réseau. Cet événement est l'occasion de rappeler encore le rôle du chemin de fer dans le développement économique de notre pays aux siècles derniers.

QUAND LA MODERNISATION PASSE PAR LA RÉNOVATION D'UN BÂTIMENT DE GARE

Il se fait que le bâtiment de la gare de Dinant, pourtant érigé en 1974, nécessitait déjà une rénovation et une modernisation en profondeur. Faut-il écrire qu'elle dessert un des principaux centres touristiques de la Wallonie avec mille sept cents voyageurs en semaine, pour neuf cents le samedi et plus d'un millier le dimanche ? Dinant est aussi la destination de pas moins de cinq formules « B-excursion » et dispose d'une douzaine de vélos à destination des touristes d'un jour. Les travaux de transformation ont ainsi débuté en septembre 2002 tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du bâtiment : réparation de la toiture, remise en état de l'entrée principale, sablage des façades, remplacement des vitres, peinture des châssis en couleur rouge SNCB et réfection de la salle d'attente (nouvel éclairage halogène, faux plafond, peintures murales, nouveau carrelage, nouveaux, sièges, sanitaires et horloge, rénovation complète des bureaux et des guichets, installation d'armoires à bagages, remise à neuf de la terrasse du buffet). Côté quais, l'escalier d'accès et le revêtement du premier quai ont été réparés, les clôtures repeintes et la signalétique normalisée, en attendant l'aménagement d'un accès adapté aux personnes à mobilité réduite. Soit dit en passant, la gare de Dinant ne manque pas d'attraits pour le voyageur, qu'il soit touriste ou navetteur: située à proximité du centre de la ville, elle dispose d'une gare routière, d'un vaste parking gratuit de 192 places et de 24 emplacements couverts pour vélos.

De plus, l'offre de transport a été nettement améliorée en une décennie : grâce à l'électrification de la ligne Dinant - Namur, effective depuis 1990, dix-sept trains par jour (dans chaque sens) assurent, en semaine, le trajet vers Bruxelles. Les week-ends d'été, quatre trains sont mis en ligne vers la Côte et Blankenberge. Par ailleurs, l'achèvement de la modernisation de la ligne électrifiée de l'Athus-Meuse a permis, depuis le 15 décembre dernier, une amélioration sensible des liaisons voyageurs vers Houyet, Beauraing, Bertrix, et audelà, Virton ou Libramont : douze trains par jour circulent dans chaque sens. Les autorails AR 41 qui assurent la liaison, procurent à la clientèle un meilleur confort, ce dont profitent aussi les canoteurs (cfr Le Rail 8/03).

Question fret, Dinant se trouve aujourd'hui sur le grand corridor européen qui relie les ports d'Anvers, Gand et Zeebruges d'une part, le Nord-Est de la France, la Suisse et le nord de l'Italie, d'autre part. Depuis décembre dernier, les locomotives série 13 de la SNCB et leurs homologues, série 3000 des CFL, y circulent en tête des trains de marchandises les plus divers, présageant un renouveau du rail européen, par ailleurs ardemment souhaité.

Pour régler tout ce trafic, la gare de Dinant emploie actuellement un chef de gare (baptisé aujourd'hui « chef de zone »), sept sous-chefs, quatre agents de triage et quatre commis d'exploitation. Le poste de signalisation (block 7) qui commande le trafic depuis Anseremme jusqu'à la sortie de la gare de Jambes occupe sept signaleurs. Trois techniciens de l'infrastructure complètent cet effectif.

La ligne Namur-Dinant fut inaugurée
officiellement le 10 octobre 1862
pour le trafic des voyageurs.

 

DINANT, LA MEUSE ET LE RAIL

Dinant, surnommée familièrement « cité des Copères », doit son implantation au fleuve, voie de communication toute désignée entre la France et la Belgique. Mais la navigation sur la haute Meuse fut de tout temps périlleuse, tant que le cours d'eau ne fut pas canalisé du moins : ainsi, au milieu du XIX, siècle, en pleine période d'industrialisation lourde de la Belgique, la navigation y était encore malaisée. En l'absence de toute écluse, descendre au fil de l'eau de Dinant à Namur n'était pas une mince affaire. Les bateaux restaient d'ailleurs prudemment à l'ancre pendant les quatre mois de la mauvaise saison.

Aussi, devant les nouveaux besoins du bassin industriel naissant de Liège, il apparut bien vite que la vallée de la haute Meuse devait disposer d'une autre voie de communication pour les produits pondéreux : le chemin de fer constituait la solution de remplacement. Néanmoins, la genèse de la construction d'une ligne ferrée en haute Meuse suivit de curieux méandres : elle fut en fait étroitement associée à la construction des lignes Namur - Liège et Mons - Manage et extensions. Ces lignes avaient été initialement concédées, en 1845, à une compagnie anglaise. Mais le cahier des charges définitif de ces concessions prévoyait que si l'on construisait en France, lors des dix premières années de la concession, dans la vallée de la haute Meuse, une voie ferrée reliant la ligne des Ardennes à la frontière belge, les concessionnaires du Chemin de Fer de Namur à Liège - exploité par la Compagnie française du Nord dès 1855 - seraient tenus d'y rattacher leur ligne en la prolongeant par Dinant jusqu'à la frontière française.

Comme un décret impérial français du 10 juin 1857 avait concédé à la Compagnie des Ardennes une ligne de chemin de fer de Charleville à la frontière belge par Givet, la Compagnie de Namur à Liège dut se conformer aux conditions de son cahier des charges et entreprendre sa construction.

Les travaux commencèrent dès le milieu de l'année 1860. Sur un tracé étudié pour longer la Meuse tout en évitant soigneusement les zones inondables, il fallut construire d'importants ouvrages d'art : deux ponts sur la Meuse (l'un à proximité du pont du Luxembourg à Namur, l'autre à Houx), un viaduc à Jambes et des arches d'inondation dans la plaine d'Anhaive, un tunnel à Lustin (354 mètres) décrivant une courbe de 500 mètres de rayon environ, et deux autres à Godinne et à Monia.

A Dinant même, apparut une difficulté supplémentaire : il fallait « glisser » la ligne de chemin de fer, sur quelque quatre kilomètres, entre l'agglomération elle-même et les rochers. Aussi, le 7 décembre 1860, le bourgmestre et les échevins de Dinant furent-ils conviés à assister aux premiers coups de pioche et l’explosion des quatre premières mines en vue ue la construction de la gare à flanc de rocher : à cette époque, Alfred Nobel n'avait pas encore inventé la dynamite et les artificiers travaillaient encore avec de la poudre noire, un explosif beaucoup plus dangereux. Les chroniques gardent d'ailleurs le souvenir de deux jeunes manoeuvres qui trouvèrent la mort le 17 juin 1861 au dépôt d'explosifs d'Annevoie, lors d'une mauvaise manipulation...

Le Nord-Belge avait fait construire un bâtiment de gare
particulièrement original et typique qui tenait compte
d'une différence de niveau entre la place de la gare et les voies.

Bref, la ligne Namur - Dinant fut inaugurée officiellement le 10 octobre 1862 pour le trafic des voyageurs. En ces temps héroïques, le trajet de 28 km entre les deux cités mosanes prenait encore une heure, malgré un profil « facile » au fil de l'eau, à cause de la puissance très modeste des locomotives à vapeur de l'époque. L'exploitation de la section internationale Dinant - Givet (22 km), elle, sera effective à partir du 4 février 1863.

Le Nord-Belge, compagnie exploitante, n'eut qu'à se féliciter de son investissement en haute Meuse. Dès son ouverture, la ligne, encore à voie unique, livra passage à pas moins de 78 trains par jour !

LES TRAINS DE PONDEREUX A DINANT: UNE ACTIVITE SECULAIRE

Les carrières disséminées en vallée de Meuse allaient trouver, grâce à ce nouvel axe, des débouchés intéressants dans le nord et l'est de la France. À la même époque, la découverte d'un procédé industriel révolutionnaire pour alimenter les hauts-fourneaux wallons avec la minette de Lorraine ainsi que la création d'usines sidérurgiques de grande capacité au grand-duché de Luxembourg, en Lorraine et en Gaume belge augmentèrent encore le trafic des pondéreux sur la ligne Namur - Dinant - Givet : dans le sens sud-nord, c'était des trains complets de minette descendant la Meuse de Mézières-Charleville vers Givet, Dinant, Namur et le bassin sidérurgique de Seraing tandis qu'au retour, il s'agissait de trains de coke, fabriqué au départ de la houille liégeoise, à destination des usines sidérurgiques luxembourgeoises et lorraines.

Aussi, le grand rival du Nord-Belge, le chemin de fer de l'État belge, essaya-t-il de capter une partie du trafic ainsi induit, mais en se concentrant plutôt sur la desserte du bassin sidérurgique carolorégien. L'équipement complet de la ligne Athus-Meuse, encore à voie unique jusqu'à la Première guerre mondiale, lui permit u organiser un crains louras, notamment au départ du point frontière gaumais d'Écouviez-Lamorteau vers Virton, Bertrix, Dinant, Tamines et la région de Charleroi... Mais à quel prix ! La ligne de l'État se raccordait en fait à la ligne privée Nord-Belge Givet - Namur à la bifurcation de Neffe, au sud de Dinant : vu la configuration de la vallée, il était impossible d'éviter les voies NordBelge entre cette bifurcation et celle de Houx, près d'Yvoir, où les trains retrouvaient la ligne « État Belge » vers Warnant, Ermeton-sur-Biert et Tamines, laquelle donnait accès au bassin sidérurgique et minier carolorégien. Sur quelque 7 km, l'État belge devait verser de lourdes redevances au NordBelge...

La guerre des tarifs fut rude entre la compagnie privée et le service public pour accaparer des parts de marché : faut-il s'étonner que la ligne Namur - Dinant - Givet fut mise à double voie pendant la Première Guerre mondiale 7 Les Prussiens eurent toutes les raisons de s'en réjouir ils voyaient dans cette artère au profil facile un axe stratégique pour la desserte du front de Champagne...

I.'ENTRE - DEUX GUERRES ET L4APOGEE DU CHEMIN DE FER À DINANT

Une fois la grande guerre terminée, la gare de Dinant se retrouva au beau milieu d'une intense activité ferroviaire. On y rencontrait d'abord le matériel typique du Nord-Belge puissantes locomotives à grandes roues couplées dépassant nettement le diamètre de leur chaudière et voitures à voyageurs à flancs galbés recouverts de tôle et peintes en noir, qui contrastaient avec les voitures en bois de type GCI vert foncé en bois rainuré de l'État Belge, puis de la SNCB... et avec les voitures plus anciennes à plates-formes d'about de la Compagnie de Chimay. Celles-ci faisaient terminus à Dinant, en provenance de Chimay, via Mariembourg, Doische et Hastière : un itinéraire aujourd'hui oublié... C'est que des trains de cinq directions se croisaient à Dinant les convois Namur - Givet du Nord-Belge y rencontraient les trains Tamines - Houyet - Jemelle de l'État, quand ce n'était pas les convois de la ligne du Bocq, Ciney - Yvoir, qui remontaient jusqu'à Dinant pour y faire leur terminus. Ajoutons-y les trains-tramways Namur - Dinant créés dans un but essentiellement touristique par le Nord-Belge, et tractés par les célèbres locomotives-tender à vapeur, dites « Revolver », vu leur échappement caractéristique, ou les fameux « trains de plaisir », mis en service dans les années trente dans la foulée des congés payés...

Bref, le personnel des deux compagnies travaillait ensemble à Dinant, non sans quelques tensions, car si le Nord-Belge, très paternaliste, n'offrait pas de réelle stabilité d'emploi, il versait par contre des salaires nettement plus élevés et des avantages en nature conséquents, comme des logements de fonction ou le célèbre train-économat où les familles cheminotes pouvaient trouver des articles ménagers à prix réduit. Les cheminots de l'État Belge puis de la SNCB, eux, se consolaient de leur salaire plus modeste avec un statut stable et la garantie d'une pension décente. Qu'à cela ne tienne... agents du Nord-Belge, de tradition française, avec leur casquette plate, et agents de l'État avec leur képi cylindrique devaient s'entendre à Dinant, malgré une réglementation différente et en dépit d'une gare fort étriquée, qui ne comportait comme aujourd'hui que trois voies à quai. Heureusement, elles étaient assez longues et complétées par un ingénieux dispositif de courtes voies intermédiaires entre deux des trois voies à quai : ce système permettait de recevoir ou d'expédier quatre trains de voyageurs à la fois sur les deux voies de ces quais « tandem ».

Pour gérer tout ce trafic, le Nord-Belge, propriétaire des installations ferroviaires, avait fait construire un bâtiment de gare particulièrement original et typique. Comme il fallait tenir compte d'une différence de niveau entre la place de la gare et les voies, les architectes avaient fait construire un bâtiment avec un niveau à rue, surmonté d'une galerie vitrée dont les escaliers, situés aux extrémités, permettaient d'accéder aux quais. La galerie donnait sur une longue salle des guichets aux parois en bois verni. Au niveau des voies, de part et d'autre de la salle des pas perdus, se développaient deux pavillons à trois niveaux : les quais étaient couverts par des marquises, y compris - luxe suprême - le passage pour accéder au quai médian. C'est ce complexe, dont les anciens se souviennent sans doute avec nostalgie, qui fut jugé obsolète par les services de la SNCB au début des années septante, et remplacé par l'édifice actuel. Sans doute aujourd'hui, la SNCB, animée d'idées nouvelles, l'aurait restauré... Autre temps, autres moeurs...

Bref, le Nord Belge garda l'exploitation des quelque 170 km de lignes dont il était concessionnaire - et donc de la ligne Namur - Dinant - Givet - jusqu'au 10 mai 1940... date à laquelle elle fut reprise par la SNCB : ainsi en avait-on convenu en Belgique, pour le cas où la neutralité de celle-ci ne serait pas respectée par ses voisins nazis...

DINANT ET LES CINQUANTE DERNIÈRES ANNÉES

Après le second conflit mondial, le service des trains fut drastiquement rationalisé dans la région de Dinant. Pour le trafic des marchandises, la reprise du Nord-Belge par la SNCB avait éliminé toute concurrence : aussi, au sud de Dinant, privilégia-t-on l'axe Anseremme - Bertrix - Virton au détriment de la ligne vers Heer-Agimont et Givet. Cette dernière perdit son trafic voyageurs régulier en 1988, après un timide essai de desserte par les célèbres autorails français, surnommés « Picasso » à cause de leur allure inattendue : un poste de conduite surélevé. Quatre de leurs services furent prolongés de 1984 à 1988 au départ de Givet, jusqu'à la cité des Copères. Cette ligne internationale fut finalement fermée à tout trafic deux ans plus tard mais dans les années nonante, une desserte ferroviaire touristique fut assurée par les soins d'animateurs bénévoles du Chemin de fer à vapeur des Trois Vallées. Au nord de Dinant, les trains de marchandises furent progressivement détournés de la ligne Houx - Warnant - Ermeton-sur-Biert - Tamines, au profil particulièrement difficile, vers l'axe Dinant - Yvoir - Ronet, qui ne présente, lui, aucune difficulté de traction particulière, tandis que le trafic des voyageurs était supprimé entre Jemelle, Dinant et Tamines entre 1959 et 1962.

Après le déclin de la traction vapeur, ce fut le temps des locomotives diesel séries 52, 53 et 54, des voitures K et M2 pour le trafic des voyageurs, et des trains de minerai et autres grosses marchandises... jusqu'au fameux projet « AthusMeuse », mis au point dans les années quatre-vingts. Les trains de minette ont finalement disparu avec la fermeture des mines lorraines, laissant notamment la place au trafic de demain : les trains de conteneurs à long parcours. Les installations ferroviaires de Dinant viennent d'avoir leur part de cette renaissance. Puissent-elles conserver leur attractivité dans les années à venir...

Auteur : Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB novembre 2003