La page  B.

Mise à jour : 03/07/2008 18:34:56

LE RHIN DE FER

LA JONCTION NORD-MIDI

MOL

LE RHIN DE FER

Serpent de mer du réseau belge

 

Un « Rhin de fer »..., voire un « serpent de mer », sur le réseau belge? Ces expressions imagées ont qualifié une ancienne liaison ferroviaire de 166 Km destinée à relier le port d’Anvers et le conglomérat industriel allemand de la Ruhr par la Campine belge. Cette liaison ne fut vraiment opérationnelle qu’entre 1879 et 1914. Aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle, elle est en passe d’être rétablie notamment à la demande des milieux économiques anversois et flamands...

Un vrai « serpent de mer », quoi... Nul n’ignore l’importance de voies de communication performantes entre un port et son hinterland. Anvers n’échappe pas à la règle mais comme l’itinéraire le plus court et le plus commode entre le port et la Ruhr passe par les Pays-Bas, il n’est pas exagéré d’écrire que les liaisons ont été chaotiques.

L’histoire du Rhin de fer en est une belle illustration : tantôt exploité, tantôt mis en veilleuse, en tout cas témoin de la concurrence séculaire à laquelle se sont livrés le port d’Anvers et son voisin néerlandais de Rotterdam.

1830 : PREMIER  DOSSIER

Dès avant la séparation des deux pays et la déclaration d’indépendance de la Belgique, des industriels dont le visionnaire John Cockerill avaient déjà saisi tout l’avantage de créer une liaison performante entre Anvers et le Rhin : le chemin de fer, moyen de transport révolutionnaire leur apparaissait déjà comme l’outil idéal. Aussi, dès 1830, l’établissement d’une liaison entre Anvers et l’Allemagne fut un des tout premiers dossiers économiques traités par le Gouvernement Provisoire belge : cinq jours après sa prestation de serment, le roi Léopold Ier étudiait lui aussi un tel projet.

La Belgique fit d’ailleurs insérer dans le Traité des XXIV articles, actant la séparation entre la nouvelle nation et les Pays-Bas, une disposition lui donnant le droit de créer une liaison corridor à travers le Limbourg néerlandais vers l’Allemagne : si, à l’époque, certains évoquaient encore un canal ou une route, l’idée d’un chemin de fer finit par s’imposer...

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PREMIÈRES  LIAISONS

Alors que le roi Guillaume d’Orange se laissait tirer l’oreille pour signer le traité - il ne l’accepta en fait qu’en 1839 le port d’Anvers, lui, ne pouvait attendre, et le gouvernement belge fit approuver , le 1er mai 1834, la fameuse loi de financement et d’exploitation du « chemin de fer de l’État belge ».

Elle prévoyait un premier Rhin de fer , passant par Malines, Louvain, Tirlemont, Waremme, Liège et Verviers, pour rejoindre Cologne et le Rhin. Celui-ci, ouvert au trafic le 24 octobre 1843, fut en fait le premier chemin de fer transeuropéen... Mais cette ligne était malaisée à exploiter pour le trafic des marchandises, notamment à cause de son profil : faut-il rappeler l’existence des célèbres plans inclinés d’Ans et d’Aix-la-Chapelle ? Aussi, les milieux anversois étudièrent-ils rapidement un itinéraire alternatif, passant cette fois par la Hollande. Après négociations, diverses lignes ferrées franchirent la frontière entre les deux pays : Anvers – Moerdijk (aujourd’hui Roosendaal), Turnhout - Tilburg ou Hasselt – Maastricht. Autant de chemins détournés pour relier Anvers à la Ruhr... jusqu’à ce que le fruit soit mûr et que l’on se décide à mettre en exécution l’article 12 du traité de 1839 permettant d’établir la liaison la plus courte entre le port d’Anvers et la Ruhr grâce au droit de passage concédé en Limbourg néerlandais.

LE  CHEMIN  LE  PLUS  COURT

Le serpent de mer poussa ainsi la tête hors de l’eau en 1873 lorsque les deux pays tombèrent d’accord par traité sur un compromis pour établir un nouveau tracé ferroviaire : long de 166 Km au départ d’Anvers, il passerait par Lierre, Herentals, Geel, Mol, Lommel, Neerpelt, pour atteindre la commune frontalière de Hamont. Ensuite, la ligne traverserait le Limbourg hollandais (Budel, Weert, Roermond et Vlodrop) et passerait la frontière allemande à Dalheim pour atteindre Mönchengladbach, où elle se raccorderait au réseau ferré allemand. Comme le réseau ferré de l’époque s’était édifié                   « empiriquement » en tenant compte d’autres intérêts, le Rhin de fer fut finalement constitué par la mise bout à bout de sections de lignes existantes et de raccords à créer. En voici un tableau significatif

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Tronçon du Rhin de fer                                                      Date d’ouverture

Malines - Anvers (Borgerhout)                                                                 3 mai 1836

Gare principale - Anvers (Borgerhout)                                                   25 août 1840

Mönchengladbach - Rheydt                                                                     12 août 1852

Lierre - Herentals (Turnhout)                                                                19 avril 1855

Mortsel - Boechout - Lierre                                                                      6 juillet 1864

Maastricht - Venlo                                                                                    21 novembre 1865

Anvers Bassins et Entrepôts - Berchem                                                   1er janvier 1873

Roermond - Rheydt ( Mönchengladbach)                                               15 février 1879

Herentals - Mol                                                                                        27 mai 1878

Mol - Neerpelt - Roermond                                                                      2 juin 1879

Le Rhin de fer ne fut donc opérationnel qu’en 1879. Son exploitation fut confiée au Grand Central Belge, une grosse compagnie privée aux ramifications internationales. A l’époque, trois paires de trains de voyageurs directs circulaient entre Anvers et Mönchengladbach, avec voitures directes pour Dortmund, voire Leipzig ! En direction du port d’Anvers, ces trains étaient notamment empruntés par des émigrants allemands ou d’Europe Centrale qui escomptaient rejoindre les États-Unis pour échapper à la misère... Le trafic des marchandises était loin d’être négligeable: les trains de fret permettaient en effet de relier le port d’Anvers et les entreprises de la Ruhr en quatre heures trente... Une performance à l’époque ! Et un succès qui décida le Grand Central Belge à doubler les voies sur tout le parcours. Ce travail, commencé dès 1893, fut achevé en 1907 par les soins des Chemins de fer de l’État belge qui avaient repris la partie belge de l’axe dès 1898. En corollaire, le nord-est de la Campine s’industrialisa: de nombreuses entreprises s’installèrent le long de la ligne, notamment entre Mol et Neerpelt, attirées par les voies de communication aisées qu’offraient chemin de fer et canaux.

Le Rhin de fer a été constitué par la mise bout à bout de

sections de lignes existantes et de raccords à créer.

PREMIER  HIATUS

L’invasion allemande de 1914 repoussa la tête du serpent dans la mer. Comme les Pays-Bas avaient proclamé leur neutralité dans le premier conflit mondial, les autorités néerlandaises interdirent tout transit de voyageurs ou de fret à travers leur territoire. Et l’occupant allemand, désireux d’éviter toute communication entre la Belgique et son voisin neutre, renforça la frontière belgo-néerlandaise par une clôture électrifiée.

Privées par ailleurs d’une liaison rapide entre le port d’Anvers et l’Allemagne, alors qu’elles avaient pris le contrôle du réseau ferré belge, les autorités allemandes firent construire un nouvel axe Anvers – Ruhr, longeant les Pays-Bas sans franchir la frontière : c’est notre ligne 24 actuelle Tongres-Gemmenich, par Visé et Montzen. Elles ne lésinèrent pas sur les moyens : ligne au profil facile avec débauche d’ouvrages d’art (pensons au viaduc de Moresnet et au tunnel de Veurs, le plus long de Belgique après guerre), absence de passage à niveau, sauts-de-mouton divers...

Le nouveau Rhin de fer, plus long de 51 Km, passait donc désormais par Aerschot - Hasselt - Visé - Montzen et Aix-la-Chapelle-Ouest pour rejoindre Mönchengladbach...

DÉSAFFECTION

Une fois l’armistice de 1918 signé, le serpent de mer ne réapparut plus qu’épisodiquement.. et encore bien peu fringant : le niveau de trafic de ses années de gloire d’avant 1914 n’était plus qu’un souvenir... Côté allemand, une crise économique très prononcée, suscitée par la défaite et accentuée par les colossales réparations de guerre imposées par le traité de Versailles, ne favorisait guère les échanges avec la Belgique. Côté belge, on utilisa plutôt le nouvel outil légué par l’occupant : la ligne 24, qui offrait l’avantage d’éviter toute négociation avec les chemins de fer néerlandais. Les relations étaient en effet loin d’être cordiales entre les deux pays. Tandis que la Belgique éprouvait du ressentiment à la suite de l’attitude de neutralité des Pays-Bas pendant la guerre, les Néerlandais n’appréciaient pas les revendications territoriales que la Belgique avait formulées au cours des négociations préalables à la conclusion du traité de Versailles : l’annexion pure et simple de la Zélande et du Limbourg néerlandais... En outre, nos voisins du nord adoptèrent une attitude protectionniste : ils souhaitaient privilégier leurs ports et singulièrement celui de Rotterdam au détriment d’Anvers dans les relations avec la Ruhr.

Si le trafic de fret par le Rhin de fer historique put reprendre traités de 1839 et 1873 obligent les responsables des chemins de fer néerlandais développèrent une politique tarifaire dissuasive pour le transit du fret sur les quarante-huit kilomètres de voies situées sur le territoire du Limbourg néerlandais. Faut-il écrire que le trafic du Rhin de fer par Budel, Roermond et Vlodrop s’en ressentit ? Jusqu’en 1938, année où les inquiétants bruits de bottes nazies provoquèrent la mise en veilleuse des échanges internationaux, on ne comptait plus qu’une relation internationale journalière pour les voyageurs entre Anvers et Mönchengladbach, pour six paires de trains de marchandises directs.

LA  SECONDE  GUERRE  MONDIALE

Le second conflit planétaire bouleversa à nouveau les réseaux de chemin de fer européens. Le Rhin de fer fut abondamment utilisé par les Allemands pour leurs transports de troupes et de ravitaillement. Du coup, il eut à subir les destructions infligées par l’aviation alliée soucieuse de couper les lignes de communication ennemies. A la libération, les Américains comprirent eux aussi tout le profit qu’ils pouvaient tirer de cet axe pour les besoins logistiques de leur armée de libération puis d’occupation de l’Allemagne.

SINGULIER  DESTIN

Le serpent de mer allait-il bénéficier des efforts entrepris dans le cadre de l’unification européenne, dont la Belgique et les Pays-Bas furent des pionniers ? Assez curieusement... non !

Après la Seconde Guerre mondiale, le trafic tant voyageurs que marchandises s’étiola peu à peu sur le Rhin de fer. En trafic voyageurs, plus aucun train international à grand parcours n’y circula. Sur leur aire géographique respective, les trois administrations nationales maintinrent un trafic local... qui eut bien de la peine à résister à la concurrence progressive des moyens de transport individuels. Ainsi, en Belgique, il n’y eut plus aucun trafic voyageurs entre Mol et Neerpelt pendant vingt ans, entre 1957 et 1978. Il fallut attendre la mise sur pied du plan « IC-IR » en 1984 pour qu’une relation cadencée directe soit créée entre la métropole et Neerpelt.

En trafic marchandises, ce n’est qu’à l’été 1970, à la suite d’une concertation entre les trois administrations ferroviaires nationales, la SNCB, Nederlandse Spoorwegen et Deutsche Bundesbahn, qu’un trafic international a été rétabli par le Rhin de fer. Il ne concerna toutefois qu’un seul train complet de pièces d’automobiles mis en ligne entre Bochum et Anvers et retour. Ce type de convoi, baptisé « Hucpac », fut même tiré de bout en bout à la fin des années quatre-vingts par une locomotive diesel série 215 de la DB. Il cessa finalement de circuler par le Rhin de fer le 3 juin 1991.

Le rétablissement du Rhin de fer est, depuis des décennies, une revendication des autorités portuaires anversoises.

L’INFRASTRUCTURE  ACTUELLE  DU  RHIN  DE  FER

L’infrastructure actuelle de la ligne reflète bien les avatars qu’elle a subis.

En Belgique, l’itinéraire historique du Rhin de fer est encore bien équipé, d’autant plus qu’une relation IR est assurée entre Anvers-Central et Neerpelt, avec les nouveaux autorails série 41. Au départ d’Anvers-Nord, le tracé suit, sur 46,7 Km, les lignes électrifiées à double voie 27 jusqu’à Mortsel, 14 jusqu’à Lierre et 15 jusqu’à Herentals. D’Herentals à Mol, la ligne, longue de 22 Km et à double voie, n’est pas électrifiée, mais équipée pour une vitesse de référence de 120 Km/h. A l’est de Mol jusqu’à Neerpelt (23,4 Km), la ligne a été remise à simple voie dans l’entre-deux-guerres : rouverte au trafic des voyageurs le 28 mai 1978 dans le cadre d’une meilleure desserte ferroviaire régionale, elle peut être parcourue à 120 Km/h avec évitement possible à Lommel-Werkplaats. De Neerpelt à la frontière néerlandaise (Hamont - Budel), il n’y a plus de trafic voyageurs depuis 1953, encore qu’un projet existe de prolonger la relation IR Anvers - Neerpelt jusqu’à Hamont, au moins. La ligne est correctement équipée (vitesse de référence : 70 Km/h), d’autant plus qu’elle livre passage à des trains de minerai de zinc quotidiens directs entre Anvers et Budel, destinés à la fabrique de zinc Budelco.

Par contre, en territoire néerlandais, au delà de Budel vers Weert (10,4 Km), la ligne, toujours à voie unique, n’est plus utilisée en service régulier. Elle est cependant entretenue car, à l’occasion de la journée train-tram-bus, les trains IR Anvers- Neerpelt sont systématiquement prolongés en territoire néerlandais jusqu’à Weert, dans le cadre de l’opération « Teuten-Express ».

Quant à la section Weert - Roermond (24,1 Km), elle fait partie de l’artère maîtresse Amsterdam - Maastricht. Électrifiée en 1,5 kV selon le système néerlandais, elle est à double voie et autorise une vitesse de 140 Km/h. Elle connaît un trafic important tant voyageurs que marchandises.

La section Roermond - Vlodrop frontière (13,7 Km), à simple voie non électrifiée (vitesse de référence : 80 Km/h) est actuellement hors service. Un obstacle de taille s’y dresse : un tronçon de 3 Km 500 entre la gare de Roermond et Dalheim à la frontière allemande traverse une « zone de silence » définie par les autorités locales néerlandaises en 1994 dans le cadre du domaine naturel du Meinweg. Dans cette « Special Protected Area » de niveau européen, est-il imaginable que des trains de fret fassent bon ménage avec les espèces rares de vipères, de salamandres et autres grues ?

Enfin, de la frontière allemande (Dalheim) à Rheydt, il y a 18 Km de voie unique, accessible à la vitesse de 60 Km/h. A Rheydt, on rejoint la ligne électrifiée à grand débit - selon le système allemand 15 kV 16 2/3 Hz - Mönchengladbach – Aix-la-Chapelle.

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LE  RÉTABLISSEMENT  DU  RHIN  DE  FER

Le rétablissement du Rhin de fer est, depuis des décennies, une revendication des autorités portuaires anversoises. Le dossier a été réactivé depuis les années nonante dans le cadre d’une discussion globale entre la Belgique et les Pays-Bas. Un consensus a finalement été atteint entre les deux pays dans le cadre de l’accord du 21 décembre 1996 sur l’approfondissement de l’Escaut Occidental, réclamé par les milieux portuaires anversois, en échange d’une meilleure qualité de l’eau de la Meuse, réclamée par les Pays-Bas. Par la même occasion, les dossiers ferroviaires entre les deux pays ont été examinés : les Néerlandais ont obtenu que la ligne ferrée à grande vitesse Anvers - Pays-Bas longe l’autoroute E 19 au lieu de suivre la route du port, tandis que la Belgique a reçu des assurances pour le prolongement de la ligne marchandises actuelle n°11 Anvers-Nord - Y Schijn - Noordland vers Bergen-op-Zoom, aux Pays-Bas sur la ligne Roosendaal - Flessingue - dans le cadre d’une meilleure liaison ferrée entre les ports d’Anvers et de Rotterdam. Enfin, conformément aux traités de 1839 et 1873, les Pays-Bas ont accepté de participer à une étude sur le rétablissement et la modernisation du Rhin de fer, en commun accord avec l’Allemagne, à condition de trouver une solution permettant de respecter les impératifs du domaine naturel du Meinweg.

Cette étude a démontré la rentabilité du rétablissement du Rhin de fer, en traction diesel dans un premier temps: le trafic entre Anvers et l’Allemagne et l’Europe centrale connaît une forte croissance et, selon certaines prévisions, devrait plus que tripler d’ici 2020. Il est donc indispensable de disposer de plusieurs bonnes liaisons ferroviaires pour écouler ce trafic : le Rhin de fer deviendrait ainsi complémentaire de l’axe actuel par Hasselt, Visé et Montzen.

Aujourd’hui, la remise en service du Rhin de fer est une question d’années, sinon de mois. Dans cette perspective, il faudra revoir l’équipement de la voie et de la signalisation, surtout sur les tronçons néerlandais actuellement hors service. Des solutions sont par ailleurs à l’étude pour concilier les impératifs écologiques du Meinweg et ferroviaires du Rhin de fer.

Déjà, la SNCB adapte certaines de ses locomotives afin de les munir des équipements de sécurité et d’asservissement spécifiques à la signalisation néerlandaise et allemande : il en est ainsi pour certaines des locomotives série 77 en cours de livraison, mais aussi de quelques locomotives plus anciennes, série 55, en cours de modification. Ce sont ces machines qui tracteront les premiers trains de marchandises directs Anvers - Mönchengladbach lorsque les derniers obstacles seront levés...

Le serpent de mer aura alors, au bout d’un siècle de léthargie, la tête définitivement hors de l’eau...

Auteur : Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB juillet 2002

 

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LA JONCTION NORD-MIDI

A 50 ANS !

Il est à désirer que le Gouvernement belge consente à relier le chemin de fer du Sud à celui du Nord, de manière à faire disparaître la nécessité de ce transbordement préjudiciable au commerce et importun aux voyageurs…! s’exclamait A.-J. Du Pays en arrivant au débarcadère du Midi à Bruxelles en 1853. Cet auteur français avait omis de dire que l’embarcadère du Nord à Paris était également une gare terminus… ! La plupart des capitales et des centres urbains importants disposaient alors généralement de plusieurs gares. Il s’agissait toujours de gares dites terminus ou têtes de lignes, sans aucune connexion directe, nécessitant de nombreux mouvements de manoeuvres de locomotives, de rames de voitures et de wagons …! Le quatre octobre prochain, la Jonction Nord-Midi cette artère souterraine reliant les gares bruxelloises du Nord et du Midi – fêtera 50 ans de bons et loyaux services. Son histoire mouvementée est pourtant associée étroitement à la genèse des chemins de fer belges.

UN BRIN D’HISTOIRE

La première étape de la construction du réseau belge des chemins de fer de l’État correspondait à la réalisation du programme prévu par les lois du 1er mai 1834 et du 26 mai 1837, à savoir: un réseau cruciforme, s’articulant autour de Malines et décentré vers le Nord du pays.

Dès l’inauguration, le 5 mai 1835, de la ligne expérimentale Bruxelles-Malines, premier tronçon de la ligne du Nord vers Anvers la gare dite de l’Allée Verte eut l’insigne privilège d’être la première de Bruxelles à accueillir le cheval de fer.

Cependant, ses installations modestes devinrent rapidement insuffisantes à la suite du franc succès du rail. Par arrêté royal du 15 juillet 1839, des terrains furent déjà expropriés au pied du Jardin Botanique afin d’y aménager, extra-muros, une gare à voyageurs plus vaste.

D’autre part, les travaux de construction de la ligne du Midi, vers Mons et la frontière française, débutèrent en 1839. Le premier tronçon Bruxelles – Hal – Tubize de cette ligne s’ouvrit à l’exploitation voyageurs le 18 mai 1840. La première gare de Bruxelles-Midi, dite des Bogards, fut établie intra-muros au sud de Bruxelles sur un grand terrain le Jardin Saint-Jean appartenant au sieur F. Basse, à proximité d’un ancien couvent.

Afin d’assurer la continuité du trafic sur le réseau, une voie de raccordement s’imposait à Bruxelles entre les lignes du Nord et du Midi. La ligne, dite des Boulevards, fut inaugurée le 27 septembre 1841 en même temps que la pose de la première pierre de la nouvelle station du Nord. Déjà, le 1er novembre suivant, l’exploitation voyageurs débutait en gare de Bruxelles-Nord et seul le trafic marchandises subsista en gare de l’Allée Verte.

La ligne des Boulevards ne constitua pas, à proprement parler, la première Jonction Nord-Midi car elle ne relia jamais la gare de Bruxelles-Nord à celle du Midi! Quittant la gare de l’Allée Verte, elle suivait en décrivant une large boucle au niveau de la voirie le boulevard extérieur en passant devant les portes du Commerce, de Flandre, de Ninove et d’Anderlecht pour se raccorder directement à la ligne du Sud en direction de Forest. Une délicate manoeuvre de rebroussement s’imposait donc pour atteindre la station des Bogards… ! Les convois locaux de marchandises circulant sur ce raccordement, desservant également l’ entrepôt public de la ville de Bruxelles, roulaient à vitesse très réduite, précédés par un coureur à pied muni d’un drapeau rouge et agitant une cloche.

L’achèvement de la monumentale gare de Bruxelles-Nord, oeuvre de l’architecte F. Coppens (1799-1873), perdura plus de vingt ans. En 1846, lors de l’inauguration de la gare couverte et de la relation internationale Bruxelles- Lille - Paris, la façade principale de la gare divisée en neuf travées ne présentait toujours qu’un niveau … Le deuxième ne sera édifié finalement qu’en 1862 !

A la suite de l’accroissement constant du trafic ferroviaire, la petite gare des Bogards se sentit bientôt à l’étroit dans l’enceinte du pentagone bruxellois. L’arrêté royal du 22 août 1854 décréta le déplacement de la gare entre le boulevard du Midi et le Nieuwmolen, sur le territoire de la commune de Saint-Gilles, le long de la Senne. La ville de Bruxelles s’inquiéta de la perte de l’unique gare située sur son territoire et des conséquences néfastes pour le commerce et les hôtels avoisinants. Elle préconisa avec insistance l’établissement d’une véritable jonction entre les gares de Bruxelles-Nord et du Midi, avec création d’une gare centrale dans le centre de la ville. De nombreux projets virent donc le jour ainsi que moult commissions: les uns la voyaient sur un large boulevard, les autres l’établissaient sur un viaduc composé d’arches ou l’enterraient dans de sombres tunnels …!

Entre-temps, la nouvelle gare de Bruxelles-Midi, oeuvre de l’architecte ferroviaire A. Payen (1801-1877), était inaugurée le 25 septembre 1869 par un bal mémorable et ouverte au public dès le 6 novembre suivant. La ligne de ceinture Ouest fut complètement livrée à l’exploitation le 5 juin 1871 entre les gares du Nord et du Midi: elle desservait les sites industriels d’Anderlecht et de Molenbeek. La desserte de l’entrepôt public, par la ligne des Boulevards, fut maintenue au départ de la gare de l’Allée Verte jusqu’à l’ouverture de celle de Bruxelles Tour et Taxis. Cette amélioration sensible entre les deux gares apaisa quelque peu les esprits mais l’idée d’une véritable jonction Nord-Midi au coeur de Bruxelles, avec une gare centrale, ne disparut pas complètement …

LA JONCTION S’IMPOSE

La croissance du rail à Bruxelles se poursuivit néanmoins de manière fulgurante et menaça de congestion rapide les gares de Bruxelles-Nord et de Bruxelles-Midi en cette fin du XIXe siècle! A cette époque, Bruxelles-Nord était une gare tête de lignes vers Gand et Ostende, Termonde, Malines et Anvers, vers Louvain et Liège, Namur et Luxembourg. Les lignes en provenance de la région du Centre, de Charleroi, de Tournai et de Mons aboutissaient à la gare terminus de Bruxelles-Midi. Une prompte solution s’imposait donc.

Le Parlement ratifia une convention entre l’État et la Ville de Bruxelles, signée le 7 avril 1903, quant à la construction d’une jonction ferroviaire Nord-Midi selon les plans proposés par l’ingénieur F. Bruneel : maintien et surhaussement des gares de Bruxelles-Nord et de Bruxelles-Midi pratiquement à leur emplacement, construction d’un tunnel à flanc de coteau Est de la vallée de la Senne et de viaducs reliant les deux gares au tunnel, construction d’une gare centrale au centre de la ville. Les expropriations furent laborieuses et les travaux ne débutèrent qu’en 1910 pour être ensuite interrompus par la Première Guerre mondiale. Un vaste chantier inachevé s’installa alors à Bruxelles au grand dam de ses habitants et de ses expropriés. Le viaduc Sud, compris entre l’église de la Chapelle et le boulevard du Midi, l’imposant pont métallique au-dessus dudit boulevard et de la place de la Constitution étaient achevés. Faute de moyens financiers, le projet de la Jonction Nord-Midi tomba presque dans les oubliettes … !

L’OFFICE NATIONAL POUR L’ACHÈVEMENT DE LA

JONCTION NORD-MIDI

Lorsqu’en 1933, la SNCB entama l’électrification de la ligne Bruxelles - Anvers, de nouvelles perspectives s’ouvrirent à l’ancien projet de développement d’un Métropolitain électrique à Bruxelles. La politique des grands travaux publics réactiva également le projet de la Jonction Nord-Midi. La loi du 11 juillet 1935 institua l’Office national pour l’Achèvement de la Jonction Nord-Midi (ONJ). Cet organisme devait aussi conclure avec la SNCB tous les accords en vue de l’exécution des travaux de relèvement des gares de Bruxelles-Nord et de Bruxelles-Midi.

L’ONJ boucla promptement les études y afférentes (la nature du sol requiert de nouvelles techniques d’utilisation du béton, la problématique d’une bonne ventilation et de l’électrification, l’écoulement et l’évacuation des eaux, la protection des proches monuments historiques, l’isolation acoustique,…). Elle entama déjà en décembre 1936, par tronçons, la construction à ciel ouvert du tunnel (long de 1 928 mètres), des viaducs, du gros oeuvre de la nouvelle gare centrale.

La SNCB commença, par phases longitudinales successives, les divers travaux de surhaussement et de déplacement de ses gares tout en les maintenant en exploitation. Ainsi à Bruxelles-Nord, les deux ponts de l’avenue de la Reine furent supprimés. La cabine III fut déplacée tout en restant en service et l’aménagement des remblais débuta le long de la rue d’Aerschot. À Bruxelles-Midi, la remise à locomotives déménagea vers Forest où des faisceaux de garage furent également créés. Une cabine moderne de signalisation à commandes électro-mécaniques fut érigée du côté de la rue de France et l’exploitation des voies 1 à 6 surélevées débuta dès le 2 mai 1940, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci n’entraîna pas la paralysie totale des travaux. Ils ne reprirent toutefois à un rythme soutenu qu’à partir de 1947, la réparation des dommages de guerre sur le réseau ferroviaire étant bien plus prioritaire. Le Roi Baudouin inaugura officiellement la Jonction Nord- Midi et la gare de Bruxelles-Central - oeuvre de l’architecte Victor Horta (1861-1947) le samedi 4 octobre 1952. Le lendemain, les trains circulaient sur deux voies. Plus de 70% du trafic était alors assuré en traction vapeur. Des allèges électriques furent utilisées pour la remorque (ou la pousse) des trains à travers la Jonction jusqu’en 1964. Grâce au développement de l’électrification du réseau, la réorganisation du service des trains transitant par la Jonction permit la création de nouvelles liaisons ferroviaires directes telles que Anvers - Bruxelles - Charleroi, Ostende - Bruxelles - Liège, ….

La mise en service des six voies spécialisées (trois dans chaque sens) de la Jonction ainsi que l’achèvement de la gare du Midi eurent lieu en 1954. La voie Ia, dite «Sabena», fut inaugurée en mai 1955 à la gare de Bruxelles-Central en même temps que la liaison vers l’aéroport national. Afin de permettre le rehaussement complet des voies en gare de Bruxelles- Nord, le raccordement vers la gare de l’Allée Verte fut définitivement supprimé le samedi 16 janvier 1954, après le départ du dernier train (V 8569) de 17h42 vers Zottegem: depuis les années ’20, cette gare accueillait encore quelques trains de navetteurs afin de soulager la capacité de réception de l’ancienne gare du Nord.

La nouvelle gare du Nord fut reculée de 350 mètres environ par rapport à l’ancienne afin de pouvoir raccorder les douze voies à quai aux six de la Jonction. Le bâtiment à voyageurs, achevé en 1956, fut conçu par les architectes P. Saintenoy (1862-1952) et J. Saintenoy. Par contre, la nouvelle gare du Midi (oeuvre des architectes A. et Y. Blomme et F. Petit) située à 300 mètres en retrait par rapport à l’ancienne comportait initialement vingt-deux voies à quai, dont dix-huit de passage et quatre en impasse. Tout était donc prêt à la veille de l’exposition internationale de 1958… et l’ONJ cessa d’exister en 1959!

La Jonction Nord-Midi a pris à son compte une part importante du déplacement des navetteurs de et vers la capitale. Mais la capacité maximale de trafic est pratiquement atteinte aux heures de pointe avec une succession de trains toutes les trois minutes ! L’arrivée du RER bruxellois, le développement des trains à grande vitesse vont encore compliquer la situation. Un soulagement du trafic transitant par la Jonction s’impose donc en exploitant mieux toutes les autres liaisons ferroviaires convergeant vers la capitale ou en en créant de nouvelles …

 

Auteur : Paul Pastiels

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB octobre 2002

 

 

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MOL

LA  RENAISSANCE  D’UN  NOEUD  FERROVIAIRE   CAMPINOIS

Économiquement déshéritée au XIXe siècle, progressivement industrialisée au XXe, la Campine s’est graduellement couverte d’agglomérations dynamiques, qui sont devenues autant de noeuds ferroviaires. Mol est l’un de ceux-ci : il dessert une cité de quelque trente mille habitants, située à la lisière est de la province d’Anvers, au coeur de la Campine, sur un site occupé depuis le IIIe siècle par les Germains.

En matière de communication, Mol présente aujourd’hui beaucoup d’avantages. La SNCB ne l’ignore pas et a entrepris de dynamiser ce noeud ferroviaire. Le plan IC-IR de 1984 avait déjà remis en valeur l’axe voyageurs Anvers - Lierre - Mol - Neerpelt, long de 79 km: depuis cette époque, une relation IR cadencée relie Anvers à Mol et Neerpelt. D’abord assurée par des rames réversibles diesel de type M 1, puis par leurs homologues type M 2, cette relation bénéficie depuis quelques mois des nouveaux autorails série 41 de la SNCB. Et c’est le succès... Les trains sont composés au minimum de deux autorails accouplés; aux heures de pointe, pas moins de quatre voire cinq autorails, offrant chacun quelque 150 places, suffisent à peine à transporter tous les navetteurs. Aussi a-t-il fallu porter la commande de ce type d’autorails de 80 à 96 unités, afin de faire face à cette affluence. Quant à la liaison Mol - Hasselt, elle fut maintenue après bien des hésitations dans le plan IC-IR de 1984 : elle était assurée par un train L toutes les deux heures. Depuis le 15 décembre dernier, elle bénéficie du nouveau concept de « ligne à qualité totale » que la SNCB a mis en oeuvre. Elle est maintenant desservie par un train « IR » accéléré à cadence horaire en correspondance avec le service IR en provenance d’Anvers. Cette relation est systématiquement assurée par les nouveaux autorails série 41. Les installations fixes sont aussi concernées par ce renouveau: elles seront renouvelées et le séculaire bâtiment de la gare remplacé.

MOL ET  LE  GRAND  CENTRAL  BELGE

L’histoire ferroviaire de Mol est inséparable du Grand Central Belge, un puissant groupe privé regroupant plusieurs sociétés qui firent les beaux jours du rail belge dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le Grand Central Belge fut créé en 1864. Il reprit à l’époque l’exploitation des lignes de l’Anvers - Rotterdam, de l’Est belge de la SA du chemin de fer du Nord de la Belgique (qui avait lui-même repris en 1862 la ligne Anvers - Lierre – Hasselt donnée en concession par le chemin de fer du Nord de la Belgique), de la SA Chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse et de la SA du Chemin de fer liégeois - limbourgeois. Le 1er août 1867, c’était au tour du Chemin de fer d’Aix-la-Chapelle à Maastricht d’être repris.

Quels intérêts économiques un tel groupement servait-il ? En fait, comme toute société privée, le Grand Central Belge recherchait le profit qui, à l’époque, passait par le transport des marchandises : il s’agissait de capter les courants de trafic les plus juteux générés par le port d’Anvers. Le Grand Central belge offrait aux industriels des liaisons ferrées à caractère international à la fois vers le sud et vers l’est. Ces axes ferroviaires sont bien différents de ceux que nous connaissons aujourd’hui : ainsi, il proposait une ligne axiale nord - sud internationale Moerdijk (Pays-Bas) - Anvers - Lierre - Louvain - Wavre - Ottignies - Charleroi-Ouest - Walcourt - Mariembourg - Treignes - Vireux-Molhain (France) afin de permettre notamment au bassin charbonnier et sidérurgique de Charleroi l’accès le plus court au port d’Anvers. Vers l’est, le Grand Central Belge disposait d’une ligne ouest - est joignant Anvers à l’Allemagne via Lierre, Aerschot, Hasselt, Maastricht, Schin-op-Geul et Aix-la-Chapelle. Mais cette dernière liaison ne donnait pas toute satisfaction.

Le Grand Central Belge chercha dès lors à disposer d’une relation plus courte encore entre Anvers et la Ruhr, dont le potentiel économique sidérurgique notamment était en plein développement. Il profita de ce que l’une de ses sociétés constitutives la Société des chemins de fer du Nord de la Belgique disposait depuis 1869 d’une concession d’établissement d’une relation ferrée entre Anvers et Gladbach, par le nord de la Campine, pour mettre la main sur l’exploitation du futur Rhin de fer.

C’est ainsi qu’un traité belgo-néerlandais, signé le 13 janvier 1873, reconnut la Société du chemin de fer du nord de la Belgique concessionnaire du Rhin de fer et le Grand Central Belge son exploitant. De ce fait, le Grand Central Belge, préfigurant l’Europe, disposa d’un réseau de voies ferrées d’un total de 767 km, réparti dans quatre pays : 607 km en Belgique, 5 en France (Treignes - Vireux-Mohain et Doische - Givet), 35 en Allemagne et 120 aux Pays-Bas. Grâce à la construction du Rhin de fer, Mol fut desservi par chemin de fer dès le 27 mai 1878 et devint ensuite la gare de passage d’un chemin de fer international, puisque des trains directs circulèrent aussitôt entre Anvers et la Ruhr, aussi bien pour le transport des voyageurs (des liaisons Anvers - Dortmund par voitures directes !) que pour celui des marchandises. Ce nouveau courant de trafic fut une source de profits croissants au grand bénéfice des actionnaires de l’exploitant.

Rapidement, le Grand Central Belge fit construire le bâtiment actuel de la gare de Mol. D’un type standard, il était flanqué d’une remise à locomotives, dont la fermeture n’intervint qu’en 1966 ! A la fin du XIXe siècle, les autorités belges favorisèrent la nationalisation d’un maximum de lignes de chemin de fer. L’unification du réseau, dont une étape essentielle fut par ailleurs la création de la SNCB en 1926, fut dictée non seulement par des raisons économiques, mais aussi stratégiques et politiques : les tensions entre la France et l’Allemagne étaient de plus en plus fortes et la Belgique tenait à préserver la neutralité à elle imposée par les grandes puissances qui lui avaient accordé son indépendance en 1830. La maîtrise du réseau de chemin de fer par l’État paraissait indispensable. Le Grand Central Belge fit les frais de cette opération : il fut racheté par l’État le 10 février 1897, et l’exploitation du Rhin de fer reprise par la Compagnie des chemins de fer de l’État à la même époque.

LA  LIGNE MOL - HASSELT,  UNE MOSAÏQUE

Mol, c’est aussi la bifurcation de la ligne vers Hasselt. A la différence de la ligne axiale Anvers - Neerpelt, section du Rhin de fer, l’actuelle relation Mol – Hasselt résulte en fait de l’assemblage bout à bout de sections de ligne qui n’avaient pas la vocation première de relier Mol au chef-lieu du Limbourg.Ainsi, la plus ancienne section de cette ligne, entre Hasselt et Houthalen a été ouverte le 20 juillet 1866 comme tronçon de la défunte ligne internationale 18, Hasselt - Neerpelt - Achel- Eindhoven : oeuvre de la compagnie privée Liégeois - Limbourgeois , cette ligne avait pour vocation d’établir une liaison directe entre le bassin sidérurgique et houiller liégeois et les Pays-Bas. Le 27 juillet 1878, le tronçon Mol - Bourg-Léopold fut à son tour mis en exploitation, comme partie de la ligne 17, Mol - Bourg-Léopold - Diest. Cette ligne était en fait la partie nord d’un axe Tirlemont - Mol, ouvert par l’État le 27 mai 1878, afin d’irriguer une région jusqu’alors privée de transports en commun. C’est enfin le 1er juillet 1925 qu’Houthalen, puis Heppen furent reliés à Bourg-Léopold, dans le cadre de l’équipement du bassin houiller limbourgeois après sa mise en exploitation après la Première Guerre mondiale. Bref, l’actuelle ligne Mol - Hasselt correspondait il y a plus d’un siècle à des intérêts économiques et humains très différents.

 

LES  VICINAUX  À  MOL

Dans la grande tradition belge, la Société nationale des Chemins de fer vicinaux compléta l’offre de transports en commun à Mol à partir de 1895 - par une longue ligne de 54 km à voie métrique et à traction vapeur établie entre Turnhout, Mol, Westerlo et Zichem. Cette ligne avait la particularité d’être équipée de quatre files de rails entre la gare de Mol et la sablière, sur une longueur de 3,750 km, afin de permettre l’acheminement des wagons à grand écartement « chemin de fer » vers le site d’extraction. Cette ligne subsista jusque dans les années 1956-1958.

LE  NOEUD  FERROVIAIRE  DE  MOL  AU  XXE  SIÈCLE :

UNE  ÉVOLUTION  CONTRASTÉE

Après la Première Guerre mondiale, le Rhin de fer tomba progressivement en désuétude. Pourtant, la ligne Neerpelt - Mol - Herentals garda toute son importance tant en trafic voyageurs qu’en trafic marchandises. Pour les voyageurs campinois, les mines du Limbourg et le port d’Anvers étaient deux bassins de main-d’oeuvre très importants. Pour le trafic des marchandises, il fallait assurer la liaison entre les différentes entreprises vouées à la chimie et aux métaux non ferreux embranchées notamment entre Neerpelt et Mol d’une part, les mines du Limbourg et les installations portuaires d’Anvers, d’autre part.

Quant à la ligne Mol - Hasselt, elle a perdu une bonne partie de son importance à partir de 1980 à cause de la disparition du trafic consécutive à la fermeture des mines de charbon du

Limbourg. La section Mol – Bourg-Léopold a dès lors été mise à simple voie. Vers 1995, ce fut le tour de la section bifurcation Zonhoven - Zolder, puis Beringen-Mines - Bourg- Léopold. Il n’y a plus de double voie qu’entre Zolder et Beringen-Mines. Subsiste encore la desserte épisodique des installations militaires de Bourg - Léopold.

La section Mol - Neerpelt a perdu son trafic voyageurs en 1953, dans le cadre d’une vaste opération de rationalisation d’un réseau belge concurrencé par les moyens de transport individuels. Vingt-cinq ans plus tard, en 1978, la SNCB se rendit compte que la situation socio-économique le long de cette section avait changé : la population s’était accrue, notamment à Lommel et à Overpelt-Neerpelt. Étant donné l’insuffisance d’emplois sur place, les travailleurs se voyaient obligés de se déplacer, dans la direction d’Anvers notamment. Aussi, une desserte voyageurs, orientée vers la métropole, fut-elle remise en service entre Mol et Neerpelt à partir du 28 mai 1978. C’est à la même époque que le caractère strictement régional de la ligne Mol - Hasselt, fut redéfini, puisque le chef-lieu du Limbourg était lui-même relié à Anvers par une ligne autrement plus directe et performante en cours d’électrification à l’époque : la relation par les lignes 35 et 16, via Diest et Lierre.

Finalement, l’axe Anvers – Mol – Neerpelt a retrouvé son importance au sein du réseau ferré belge, même s’il fait partie des quelques lignes que la SNCB ne compte pas électrifier à terme : outre son trafic voyageurs fourni, il assure aujourd’hui la desserte des entreprises clientes du chemin de fer à Mol, mais aussi de celles qui sont embranchées entre Mol et Neerpelt. Il y a aussi le train quotidien de minerai mis en ligne entre le port d’Anvers et la fabrique de zinc de Budel, de l’autre côté de la frontière et du village belge de Hamont. Et il y a enfin le projet de rétablissement du Rhin de fer, ardemment souhaité par les milieux industriels anversois et flamands.

MOL AU XXIE SIÈCLE : UNE NOUVELLE GARE

Le bâtiment des voyageurs originel de la gare, construit par le Grand Central Belge, est toujours en place à Mol : il accuse son âge et ne correspond plus aux impératifs d’une exploitation moderne. L’intérieur offre un aspect désuet digne des années cinquante, malgré de modestes opérations de rafraîchissement. A l’extérieur, les gros pavés arrondis sont toujours de mise, aussi bien côté voies que côté ville, avec une gare d’autobus indigne de ce nom. Pour les voyageurs débarquant à Mol des autorails flambant neufs venant d’Anvers, Neerpelt ou Hasselt, le contraste avec les installations fixes est saisissant.

Aussi, la SNCB met actuellement en oeuvre un projet de rénovation totale des installations de Mol. Les travaux ont commencé au mois d’août dernier. La première phase comprend le renouvellement complet du bâtiment des voyageurs : la tâche des architectes de la SNCB n’a pas été mince, car le site occupé par le chemin de fer est étiré en longueur, tandis que la place de la gare n’offre pratiquement aucun recul.

A côté du bâtiment de gare actuel, côté Herentals, et à la place du parking réservé au personnel et des arrêts d’autobus, prendra place un tout nouveau bâtiment à deux étages, avec une vaste salle d’attente, deux guichets, et un buffet.

Une galerie couverte sera aménagée pour protéger les voyageurs des intempéries lors de leur accès aux quais. Une signalétique moderne et automatique d’annonce des trains sera installée. Un vaste système sécurisé de parking pour vélos sera par ailleurs installé. Le nouvel édifice sera prêt pour l’été 2003. Le bâtiment historique actuel pourra alors être démoli.

En 2003, les abords de la gare seront aussi remodelés en partenariat avec la commune et De Lijn, qui installera six quais pour le stationnement des autobus. De l’autre côté de la gare, un parking pour voitures sera aménagé. Enfin, les quais étriqués actuels desservant les trois voies de réception des trains de voyageurs et la voie de gare latérale côté Herentals seront réaménagés. Ils seront élargis, rehaussés et allongés, pour recevoir les trains les plus longs aux heures de pointe : jusqu’à cinq autorails série 41 accouplés.

Par ailleurs, un bien nécessaire couloir sous voies permettra aux voyageurs de prendre leur éventuelle correspondance en toute sécurité.

Les installations ferroviaires de Mol seront ainsi prêtes pour l’avenir : les trains « IR » Anvers – Neerpelt seront-ils prolongés jusqu’à Hamont ? Un projet de ce type est actuellement à l’étude... D’ici quelques années, une bonne dizaine de trains de fret quotidiens devraient par ailleurs circuler entre Anvers et la Ruhr via la gare de Mol, rétablissant ainsi le Rhin de fer pour laquelle elle avait été construite quelque 125 ans plus tôt...

 

 

Auteur : Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB mars 2003