La page  Bs

Mise à jour : 03/07/2008 18:34:53

LE CHEMIN DE FER DE PERUWELZ À ANZIN

Des trains tout propres

Le plus long tunnel de Belgique est percé.

Un train de légende

UNE ANCIENNE LIGNE INTERNATIONALE OUBLIÉE ...

LE CHEMIN DE FER DE PERUWELZ À ANZIN

Les passagers des trains IC de la dorsale wallonne Herstal - Lille-Flandres, restés attentifs au paysage entre Mons et Tournai - précisément là où la ligne longe la frontière française - ont certainement déjà été frappés non seulement par l'imposante silhouette de la basilique de Bon-Secours, lieu de pèlerinage marial depuis 1603... Mais aussi par une autre particularité architecturale, ferroviaire cette fois: l'impressionnant bâtiment de gare, aujourd'hui pratiquement inoccupé, qui dessert Péruwelz, cette petite « ville à la campagne », comme ses habitants la nomment si joliment.

UNE LIGNE DE CHEMIN DL FER INTERNATIONAL E ET MINIÈRE

Ce témoin du patrimoine monumental de la SNCB est en fait le dernier vestige de la vocation internationale de la gare de Péruwelz, jadis point d'origine d'une ligne de chemin de fer industrielle franco-belge reliant Péruwelz à Vieux-Condé et Anzin.

L'histoire de cette ligne, aujourd'hui disparue avec la fin de l'extraction minière, est inséparable de la bataille du charbon qui éclata au XIXe siècle, entre le bassin hennuyer du Couchant de Mons et celui du Nord-Pas-de-Calais. Les puits d'extraction de ces deux régions se livraient, en effet, une concurrence féroce, malgré les mesures protectionnistes prises par les États nationaux à la même époque : ainsi, par exemple, les exploitants des fours à chaux de Tournai ne juraient-ils que par les charbons français de Vieux-Condé pour faire fonctionner leurs installations.

La création de lignes de chemin de fer dans la région fut l'occasion de partager le marché du transport de ce combustible entre la route et la voie d'eau : la contrée était alors équipée de nombreux canaux, bien vite sillonnés par des chalands tirés par des chevaux le long des chemins de halage qui font aujourd'hui le bonheur des promeneurs des RAVeL. Le chemin de fer allait compléter - voire concurrencer - ces courants de trafic.

La création de la ligne Péruwelz - Anzin est inséparable de la construction de la ligne Tournai - Péruwelz - Saint-Ghislain. La section Saint-Ghislain - Basècles fut ouverte au trafic le 15 février 1861 par la Compagnie Hainaut-Flandres. À l'époque, la création de cette ligne n'avait aucun rapport avec l'élaboration d'une quelconque « dorsale wallonne ». Au contraire, elle avait été conçue pour l'évacuation rapide du charbon des mines du Borinage vers... la Flandre et le port maritime de Gand : l'axe ferroviaire qu'on allait créer relierait Saint-Ghislain à Gand par Basècles, Leuze, Renaix et Audenarde. De fait, celui-ci fut intensivement utilisé jusqu'à la fermeture des charbonnages borains après le second conflit mondial, aussi bien - dans le sens sud-nord - pour le transport du charbon, que dans l'autre sens - pour celui d'une très nombreuse main-d'oeuvre flamande, riveraine de l'axe, qui, pendant des décennies et pour échapper au chômage, venait gagner sa vie au fond des puits wallons... dans les dures et dangereuses conditions de travail que l'on sait.

Mais revenons à la future ligne Tournai - Saint-Ghislain...

Si la section Péruwelz - Tournai date du 15 février 1870, le « chaînon manquant » - Basècles - Péruwelz -, par contre, fut mis en service dès le 1e" mars 1867, précisément afin de permettre son raccordement au projet de liaison avec une voie ferrée venant du bassin houiller français du Nord Pas-de-Calais.

La ligne Péruwelz-Anzin, mise en service le 9 août 1874,
devint l'épine dorsale d'un véritable réseau industriel
autour des charbonnages.

Dès 1863 en effet, apparurent les premiers projets de création d'une ligne internationale entre Péruwelz et Anzin. Le 31 mai 1863 précisément, la loi de concession d'un chemin de fer de Péruwelz à la frontière française était adoptée par le Parlement belge. La concession échut ensuite à la Compagnie de chemin de fer Hainaut-Flandres qui n'eut pas le temps de concrétiser ce dernier projet : elle fut reprise le 1er janvier 1867 par la Société générale d'exploitation des chemins de fer qui céda le 25 avril 1870 l'exploitation de ses lignes, une fois construites, à l'Etat belge. Pendant toutes ces opérations de fusion, une convention internationale sur la création d'une ligne ferrée Péruwelz - Anzin fut signée à Paris, le 18 mars 1870. Cette dernière fut mise en service le 9 août 1874: l'exploitant belge désigné était le Chemin de fer de l'Etat. Côté français, l'exploitation avait été confiée à la Compagnie des mines et du chemin de fer d'Anzin, une société privée dont la fondation remontait à 1757, à l'initiative du duc Emmanuel de Croÿ (1718-1784), maréchal de France et, par ailleurs, propriétaire des mines d'Anzin.

En fait, les descendants du duc et leurs collaborateurs firent de la ligne Péruwelz - Anzin - Somain l'épine dorsale d'un véritable réseau industriel, destiné à évacuer le charbon des différents puits d'exploitation du bassin vers les clients belges ou français.

La convention d’exploitation internationale

Dès la mise en service de la ligne, une convention réglant l'exploitation de la station belge de Péruwelz et de la partie de chemin de fer de Péruwelz à Anzin, comprise entre cette station et la frontière, fut signée entre l'Administration des chemins de fer de l'État belge et la Compagnie des mines d'Anzin. Vu sans doute le faible développement de la ligne en Belgique - 1,913 km, la ligne étant embranchée à la sortie de la gare de Péruwelz côté Tournai - il fut convenu que la Compagnie des mines d'Anzin assurerait seule le service des trains sur la courte section belge, entre Péruwelz et la frontière tandis que l'État belge aurait à sa charge l'entretien et la surveillance de ladite section. L'exploitation de la station de Péruwelz était commune aux deux sociétés ; par contre, le personnel de la station et de l'exploitation était fourni par l'État Belge. S'il arrivait que des agents français assurent leur service à Péruwelz, ils tombaient sous l'autorité du chef de station belge, comme le personnel des trains français se trouvant dans la station de Pérulwez. Une convention réglant les tarifs internationaux fut par ailleurs passée. Tant qu'elle exista, elle fut la référence pour l'exploitation de la ligne: les locomotives, voitures à voyageurs et wagons qui circulaient sur la ligne étaient fournis par la Compagnie des mines et du chemin de fer d'Anzin, à charge pour l'État belge de payer une indemnité pour chaque kilomètre parcouru en Belgique par une locomotive française tractant un train de voyageurs ou de marchandises.

Il fut aussi convenu que les heures d'arrivée et de départ des trains seraient réglées de commun accord, comme il y aurait au moins quatre trains de voyageurs et deux trains de marchandises par jour dans les deux sens : une norme classique à l'époque.

L'examen des indicateurs belges au fil du temps - où la ligne Péruwelz - Anzin apparaissait sous le n° 92 - montre que, pour les voyageurs, les quatre trains journaliers - les jours ouvrables au moins - furent maintenus entre 1874 et le 16 avril 1963, dernier jour de circulation d'un train de voyageurs sur cette ligne. Quant aux marchandises, c'est évidemment du charbon français que la ligne permit d'importer en Belgique ; faut-il écrire que le bassin du Nord Pas-de-Calais était un des plus prospères de France ? Ainsi, pour les années de référence 1913 et 1930, cette région assura à elle seule les deux tiers de la production de houille française ; d'autres chiffres donnent la mesure de l'activité de ce bassin houiller : il occupait en 1930 pas moins de 146 000 ouvriers. La région connut aussi ses deuils liés à une activité particulièrement dangereuse : la tristement célèbre catastrophe de Courrière de 1906, avec ses 1 099 mineurs disparus, est toujours dans les mémoires des habitants.

 

Un bâtiment de gare en style électrique pour Péruwelz

Comme la gare de Péruwelz devenait une station frontalière du fait de la mise en service de la ligne Péruwelz - Anzin, elle fut dotée en mars 1899 d'un nouveau bâtiment de gare. Si celui-ci intégrait des locaux pour la douane, il présentait aussi un caractère résolument monumental. Cette pratique était à l'époque courante pour toutes les gares bordant les frontières : c'est comme si le Chemin de fer de l'État considérait que ce premier bâtiment rencontré après le passage de la frontière en train était en quelque sorte une « vitrine » du pays.

Le bâtiment de Péruwelz, conçu par P. Stasino, chef de section du Chemin de fer de l'État à Tournai, fut sans doute inspiré par le bâtiment de gare de Tournai qu'avait dessiné, vingt ans plus tôt, Henri Beyaert - un architecte plus connu dont la silhouette a figuré sur la dernière version des billets belges de cent francs.

Il fut dessiné selon les conceptions de l'éclectisme tellement en vogue à l'époque qu'il devint le style habituel des gares des chemins de fer de l'État jusqu'à la Première Guerre mondiale. L'architecture éclectique incorpore des motifs anciens: à Péruwelz, c'est le style néo-Renaissance flamand qui domine, avec volutes, pierres aux angles, jeux de briques... À l'intérieur, surfaces de plâtres peints et bandeaux en céramique alternent avec des voûtes en bois de chêne sculpté, de très bel aspect, notamment dans la salle des pas perdus et la salle de visite de la douane : bref, un bâtiment significatif qui a été classé par la Région Wallonne en 1982.

Les dimensions imposantes du bâtiment de gare (la façade compte pas moins de quinze travées asymétriques) étaient aussi justifiées par l'importance du trafic local remis en gare : à Péruwelz, l'industrie lainière était encore bien présente à la fin du XIXe siècle. On note aussi la croissance des manufactures liées au cuir (tanneries, mégisseries*, fabriques de chaussures et cordonneries). Mais on y trouvait aussi pêle-mêle sucrerie, fonderie, boulonnerie, scierie et autre imprimerie, pour lesquelles le chemin de fer était le seul transporteur, à une époque où le transport routier en était encore à ses premiers balbutiements.

Déclin des charbonnages et de la ligne industrielle Péruwelz-Anzin

La vague française de nationalisation des entreprises de production des matières premières du 13 décembre 1944, transforma la Compagnie des Mines et du chemin de fer d'Anzin en « Houillères nationales du Nord-Pas-de-Calais », qui devint, par la loi du 17 mai 1946, les « Houillères du Bassin du Nord-Pas-de-Calais ». Cette société nationalisée fut désormais l'interlocuteur de la SNCB pour la courte section internationale. Nous l'avons écrit, les quatre trains de voyageurs mis en ligne les jours ouvrables par la France furent définitivement supprimés le 16 avril 1963 : sans doute n'y avait-il plus à l'époque de main-d'oeuvre belge à destination des puits de mines français en cours de fermeture. Pour la petite histoire, relevons que les trains de voyageurs étaient aussi fréquentés par un autre type de clientèle : des bandes de contrebandiers spécialisés notamment dans la fraude du café belge, très prisé de l'autre côté de la frontière. Nul doute que des escouades de douaniers surveillèrent de près les trains Péruwelz - Anzin, à la recherche à l'aller non seulement de café, mais aussi... de tabac belge, et au retour des spiritueux les plus divers... À l'heure de l'Europe et de l'ouverture des frontières, ces pratiques paraissent aujourd'hui d'un autre âge...

Le trafic des marchandises lui survécut une dizaine d'années. Les cheminots familiers de la région de Péruwelz se souviennent sans doute encore de ces locomotives diesel décorées d'une livrée orange vif et frappées du sigle « HBNPC » - similaires aux BB 63 000 de la SNCF - qui évoluèrent dans la gare frontalière jusqu'à la fermeture définitive de la ligne, le 15 octobre 1975 : celle-ci fut sans doute concomitante de la fermeture des puits de mine français dont le charbon alimentait le trafic de cette ligne.

Trois ans plus tard, en 1978, cette ligne était déposée et la nature reprenait ses droits... tandis que la ville de Péruwelz restait desservie par les trains semi-directs - rebaptisés « IR »

en 1984 - de la relation Charleroi-Sud - Tournai. Aujourd'hui, les rails ont fait place à un sentier bétonné sur l'assiette de l'ancienne ligne ferrée, côté belge du moins. Une fois le ruisseau frontalier traversé par un ponceau, côté français (municipalité de Condé-sur-Escaut), l'assiette de la voie n'est plus qu'un chemin de terre, qui passe notamment le long des propriétés du somptueux château de l'Ermitage, ancienne propriété de la famille de Croy, à qui notre ligne ferrée internationale dut sa création... et son activité.

Une mégisserie est une tannerie spécialisée dans le traitement des peaux de moutons.

Auteur : Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB décembre 2004

P.S

Un lecteur me signale que l’assiette de la ligne Peruwelz à Anzin sera bientôt utilisée par le tramway de Valenciennes (Hôtel de Ville Anzin - Dutemple).Voici une photo prise par ce lecteur qui montre l'emplacement futur de l'arrêt de St-Waast, avec le nouveau dépôt de trams au fond.

 

Usine à briquettes de Saint-Vaast-lez-Valenciennes (Compagnie des mines d'Anzin) vers 1900

Gare d'Anzin vers 1925

Gare de Vieux-Condé

a

 L'arrêt de St-Waast, avec le nouveau dépôt de trams au fond.

 

Des trains tout propres

Deux nouvelles installations de nettoyage des trains viennent d'être mises en services par la SNCB. Ce n'est pas du luxe.

Des trains enfin propres ? La SNCB a en tout cas développé de nouvelles infrastructures couvertes pour le lavage de ses trains de voyageurs. Ces installations ont été présentées lundi par le directeur général matériel Jean Denayer.

Deux nouvelles installations fonctionnent depuis peu à Forest et à Ostende. Dans les prochaines années, l'ensemble du réseau ferroviaire sera équipé de ce type d'installations.

« Nous avons entamé la construction des infrastructures de lavage en mai 2004. Les deux nouvelles installations, situées à Forest et à Ostende, sont depuis peu opérationnelles », a expliqué Jean Denayer.

Par tous les temps

Ces installations de lavage couvertes sont plus performantes et plus avantageuses que les installations à ciel ouvert. Un car-wash à ciel ouvert ne peut en effet être opérationnel lorsque la température est inférieure à +2 °C, le froid rendant les opérations de nettoyage inefficaces. Par temps chaud et ensoleillé, le produit de nettoyage a de plus tendance à sécher. De même, en période de pluie, l'eau dissout le produit, ce qui réduit considérablement les effets du lavage.

Selon l'administrateur délégué Karel Vinck, « il s'agit là d'un pas important pour la SNCB car les trains ne pouvaient souvent pas être nettoyés en période d'hiver, ce qui n'était pas très pratique. Les véhicules peuvent désormais être lavés à n'importe quelle période de l'année ».

Un bâtiment de 125 mètres

L'installation de lavage de Forest a coûté au total 5 millions d'euros, dont 2,2 millions consacrés à la construction du bâtiment, qui mesure 125 mètres de long. Selon Jean Denayer, ces nouvelles installations, conçues pour la plupart par l'entreprise ferroviaire elle-même, sont nettement plus performantes que les anciennes installations qui sont actuellement au nombre de treize. Ces nouveaux car-wash ont de plus été étudiés afin de garantir le respect de l'environnement.

« Actuellement, le nettoyage d'un train de 340 mètres nécessite 8 000 à 12 000 litres d'eau selon la vitesse de passage dans le couloir. Pour le nouveau système aménagé à Forest, la consommation d'eau est comprise entre 2 000 et3 000 litres », a précisé Jean Denayer. « Le nouveau car-wash d'Ostende garantit toutefois un meilleur respect de l'environnement que celui de Forest car l'infrastructure est toute nouvelle, ce qui a permis plus de liberté et donc de possibilités », a-t-il ajouté.

Dans les prochaines années, l'ensemble du réseau de la SNCB sera équipé de ce type d'installations. « Nous avons actuellement un plan pour mettre en place cinq à six nouvelles installations de lavage sur le réseau ferroviaire », a précisé Karel Vinck.

 

La SNCB a développé de nouvelles infrastructures couvertes pour le lavage de ses trains de voyageurs. Ces installations couvertes sont plus performantes et plus avantageuses que celles à ciel ouvert.

Le plus long tunnel de Belgique est percé.

Soumagne et les entrailles du pays de Herve

Connaissez-vous le tunnel de Veurs ? Creusé sous la célèbre commune de Fourons sur ordre de l'occupant prussien pendant la Première Guerre mondiale afin de livrer passage à la ligne Tongres - Visé - Montzen - Aix-la-Chapelle, ce souterrain à deux pertuis était, jusqu'au 19 octobre 2004, le plus long tunnel ferroviaire de Belgique avec ses 2 074 mètres'. Depuis le 20 octobre dernier, il a perdu sa première place au « Guiness Book » des records belges au profit d'un nouvel ouvrage d'art beaucoup plus long, le tunnel de Soumagne qui vient d'être percé : une fois parachevé, il livrera passage aux TGV Thalys et autres ICE de la future liaison à grande vitesse Liège - Aix-la-Chapelle - Cologne.

LA FUTURE LIGNE À GRANDE VITESSE BRUXELLES - ALLEMAGNE

Le tunnel de Soumagne constitue sans doute le plus gigantesque ouvrage de génie civil de la branche « est » du futur réseau ferroviaire belge à grande vitesse. Commencé en 1993, et partiellement en service depuis le 14 décembre 1997 avec l'ouverture de la ligne n°1 Hal - Wannehain (frontière française), celui-ci devrait être mis complètement en service à l'horizon 2007.

La branche « est », longue de quelque 147 km, reliera la capitale de l'Europe à la frontière allemande, en passant par Louvain et Liège. Celle-ci a fait l'objet d'une première mise en service partielle le 15 décembre 2002 : la ligne nouvelle Louvain - Ans, longue de 64 km et en site propre le long de l'autoroute E 40, est aujourd'hui parcourue - et c'est là une grande originalité en Europe - à la fois par les TGV Thalys Paris - Cologne à 300 km/h et les ICE, une fois homologués, mais aussi par les trains IC de service intérieur Ostende - Eupen à 200 km/h : une manière élégante de faire profiter tous les voyageurs des bienfaits de la grande vitesse.

Aujourd'hui, Infra bel et sa filiale TUC-Rail, créée pour étudier et contrôler l'implantation et la construction du réseau à grande vitesse, s'activent à finaliser cette branche. Parmi les travaux en cours, relevons la mise à quadruple voie et la modernisation de la ligne classique Bruxelles - Louvain, le remodelage du noeud ferroviaire de Louvain et la construction d'une toute nouvelle gare à Liège-Guillemins.

LE TUNNEL DE SOUMAGNE, MAILLON DE LA LIAISON NOUVELLE

LIÈGE-GUIILLEMINS - AIX-LA-CHAPELLE

Le tunnel de Soumagne lui, est un maillon de la future liaison, longue de 42 km - dont 30 en site propre - entre Liège-Guillemins et la frontière allemande.

La détermination d'un tracé convenable pour cette liaison, il y a une bonne dizaine d'années, fut un véritable casse-tête pour les ingénieurs. Allait-on s'inspirer du tracé de l'autoroute Anvers- Aix-la-Chapelle et faire passer la ligne nouvel-le à une quinzaine de kilomètres au nord de Liège ? Les forces vives de la Cité ardente s'y opposèrent vivement, le TGV présentant un nouvel atout pour une agglomération en pleine reconversion industrielle. Allait-on aménager le tracé de la ligne Liège - Verviers - Aix-la-Chapelle actuelle ? La tâche parut démesurée, notamment dans la vallée de la Vesdre, encaissée, sinueuse et très urbanisée. Une troisième solution s'imposa : gravir les contreforts du pays de Herve afin de rejoindre l'autoroute E 40 aux environs de Battice : cette option imposait toutefois le percement d'un long tunnel afin d'accéder au plateau.

Une fois le tracé définitif arrêté, des travaux de grande ampleur débutèrent. Ils sont toujours en cours.

Dès la sortie de Liège-Guillemins, les trains à grande vitesse emprunteront, sur quelque cinq kilomètres, les voies rectifiées de l'actuelle ligne 37, dite «de la Vesdre», jusqu'à Chênée : la vitesse de référence y sera portée à 160 km/h.

A Chênée précisément, Infrabel installe actuellement une bifurcation permettant la séparation de la ligne classique vers Verviers et Welkenraedt et la future ligne à grande vitesse n°3. C'est aussi à cet endroit qu'un dispositif de changement de tension d'alimentation sera aménagé, afin de séparer le courant continu à la tension classique de 3 000 volts qui équipe la ligne 37 et le courant alternatif monophasé à la tension de 25 000 volts qui alimente les lignes à grande vitesse.

Une fois cette bifurcation nouvelle franchie, les TGV Paris - Cologne et ICE Bruxelles - Francfort, homologués, aborderont la ligne nouvelle : ils traverseront la Vesdre, en empruntant grosso modo le tracé de l'ancienne ligne 38, Chênée - Battice, puis traverseront le village de Vaux-sous-Chèvremont à la vitesse de 180 km/h, avant de s'engouffrer dans le tunnel de Soumagne. Le relief du plateau de Herve, dont il faut gravir les contreforts abrupts, impose ce genre de souterrain dans lequel les trains circuleront à la vitesse de 200 km/h. D'une longueur totale de 6,530 km, il comptera 5,940 km de tunnel proprement dit et deux tranchées couvertes à ses extrémités (177 m côté Vaux-sous-Chèvremont et 413 m côté Ayeneux, sur le plateau de Herve).

LE TUNNEL DE SOUMAGNE : UN CHANTIER TITANESQUE

Ce tunnel constitue une prouesse technique. La tête « ouest » du tunnel, située à Vaux-sous-Chèvremont, se trouve à une altitude de 90 mètres tandis que sa tête « est » est implantée à Soumagne, à une altitude de 210 mètres. Le tunnel à double voie d'une section libre de 69 m' (soit une section excavée de 110 m2) est en pente régulière de 17 pour mille et atteint même les 20 pour mille peu avant sa sortie.

Les travaux sont en rapport avec le caractère exceptionnel de cet ouvrage d'art : repérage du tracé du tunnel en surface, contrôle des tassements et des vibrations, installation de trois chantiers aux deux extrémités (Vaux-sous-Chèvremont et Ayeneux) et aux deux tiers du parcours, au lieu dit « Bay Bonnet », travaux proprement dits du tunnel (abattage, soutènement, réalisation du radier, fourniture et mise en place du complexe de drainage et d'étanchéité, travaux de revêtement de la plate-forme, contrôle de l'implantation, du nivellement et de la section libre du tunnel pendant et après les travaux).

Les travaux de la tranchée couverte de Vaux-sous-Chèvremont ont commencé dès 1999 dans le cadre de la traversée de cette agglomération. Les travaux préparatoires à la construction du tunnel ont débuté, eux, le 14 mai 2001. Le premier coup de pioche à l'entrée du tunnel proprement dit a été donné le 29 novembre 2001, côté Vaux-sous-Chèvremont. L'ensemble du chantier de génie civil s'achèvera à l'automne 2005.

Pour permettre un avancement plus rapide du chantier, le tunnel a été creusé sur quatre fronts. Il a ainsi été percé par ses extrémités (Vaux-sous-Chèvremont et Ayeneux) ainsi que par deux attaques intermédiaires au départ du Bay Bonnet. A cet endroit, un puits d'accès de 30 mètres de diamètre et autant de profondeur a été creusé afin d'accéder aux deux fronts de creusement complémentaires, l'un en direction de Vaux-sous-Chèvremont et l'autre vers Ayeneux.

Le percement a avancé à un rythme moyen de 20 mètres par semaine et par attaque, au travers des terrains carbonifères du massif de Herve et du bassin de la Vesdre. Les amateurs de géologie relèveront avec intérêt que sur le tracé du tunnel, les mineurs ont trouvé d'abord des roches du Westphalien sur une longueur d'environ 3 300 mètres puis, après la faille dite de Magnée, les calcaires du Viséen (sur 1 650 mètres) et enfin les roches du Namurien (sur environ 1 900 mètres). Ils noteront aussi que le volume total des terres et roches excavées s'est élevé à 660 000 m'en place, soit 825 000 m³ après extraction dont 350 000 m³ ont été réutilisés pour réaliser des remblais sur le chantier TGV longeant l'autoroute E 40, en direction de l'Allemagne. Les équipes de mineurs, dont certains avaient déjà oeuvré sur le chantier du tunnel autoroutier de Cointe, près de Liège, ont fonctionné en trois postes dans le tunnel, permettant au chantier de demeurer en activité 24h sur 24. Ils ont notamment utilisé des machines d'extraction de 120 tonnes à attaque ponctuelle et à alimentation électrique, pourvues d'un bras de fraise de havage, pour pouvoir abattre une hauteur de front d'environ 7,50 mètres. Par contre, dans les terrains calcaires du Viséen, ou pour abattre des bancs de grès dur, des tirs à l'explosif ont été pratiqués : aussi, une statue de sainte Barbe figurait-elle en bonne place dans le tunnel. N'est-elle pas la patronne des métiers « faisant parler la poudre » et d'autres occupations dangereuses ?

N'est-elle pas, à ce dernier titre, encore vénérée aujourd'hui parmi les cheminots poseurs de voie ? Bref, est-ce une conséquence de cette traditionnelle marque de dévotion ? Toujours est-il que les accidents de travail furent rares à Soumagne et qu'aucun décès ne fut à déplorer...

Le volume total de béton mis en oeuvre (radier, piédroits et voûte) est de l'ordre de 200 000 m'.

Depuis le début des travaux, tout a été mis en œuvre pour respecter les riverains et limiter au maximum les inévitables nuisances liées à un chantier de cette ampleur. Parmi les mesures prises, citons la pose d'un pont provisoire rue du Bay Bonnet permettant de séparer le charroi de chantier de la circulation locale, la fermeture du puits du Bay-Bonnet au moyen d'un « couvercle » afin d'éviter poussière et bruit, la constitution de comités de riverains relayant les informations collectées au cours des réunions de concertation convoquées à leur demande, la distribution de feuillets « Infos-travaux » et l'organisation de visites de chantier afin de permettre aux riverains de mieux appréhender les réalités d'une telle entreprise, sans compter une présence permanente sur le site afin de régler grands et petits problèmes... Percé le 20 octobre dernier, le tunnel doit encore subir des parachèvements de gros oeuvre jusqu'à l'automne 2005. Puis, Infrabel et TUC Rail procéderont à l'équipement ferroviaire du tunnel (pose de voies, électrification en 25 000 volts courant alternatif et équipements de signalisation) pour une mise en service à l'horizon 2007.

LA LIGNE NOUVELLE A L'EST DU TUNNEL DE SOUMAGNE, D'AYENEUX À JOSÉ

Les travaux de la ligne nouvelle ne s'arrêtent pas à la tête est du tunnel de Soumagne. Il faut ensuite rejoindre l'autoroute E 40 Liège - Aix-la-Chapelle.

À la sortie du tunnel, à hauteur d'Ayeneux et dans un paysage très bucolique, la ligne nouvelle croise différentes petites vallées et routes de desserte locale. Pas moins de cinq tranchées couvertes séparées par des zones de remblais et de déblais ont été aménagées jusqu'au village de José, près de Herve. Ces travaux ont débuté le 20 août 2001 et sont à peu près terminés. Sur cette section aussi, les TGV rouleront à 200 km/h.

LES « TROIS VIADUCS » DE JOSÉ, HERVE ET BATTICE

À partir de José, la ligne nouvelle longe l'autoroute E40, sur son flanc sud : le profil de la ligne nouvelle permettra une vitesse de 260 km/h, moyennant la construction de trois grands ouvrages d'art, d'une conception architecturale analogue afin de garantir une certaine harmonie visuelle : le viaduc dit « de José », sensiblement parallèle à l'autoroute et d'une longueur de 421 mètres, le viaduc de Herve - 505 mètres de long - et le viaduc de Battice, long de 1232 mètres, qui permet à la ligne nouvelle d'enjamber l'échangeur autoroutier du même nom, point de rencontre des autoroutes E 40 Liège - Aix-la-Chapelle et A 27/E 42 Battice - Verviers - Prüm.

Quelques kilomètres plus loin, sur la commune de Thimister-Clermont, à Elsaute précisément, un autre échangeur autoroutier a dû être modifié pour intégrer l'infrastructure de la ligne à grande vitesse.

Commencés en novembre 2001, les travaux correspondants ont été achevés en décembre 2003.

LE TRONÇON ELSAUTE - HAMMERBRÜCKE

Lors de l'élaboration des premiers plans de la ligne à grande vitesse vers l'Allemagne, les concepteurs ont longuement hésité sur le tracé de ce dernier tronçon : la ligne nouvelle allait-elle rejoindre la ligne classique Verviers - Aix-la-Chapelle à Welkenraedt, ou une poignée de kilomètres plus loin, à Walhorn ? C'est finalement ce dernier tracé, long de 14 kilomètres, via la forêt de Grünhaut qui a été choisi : il présente notamment l'avantage d'engendrer peu de perturbations en matière de circulation des trains sur la ligne classique et le moins d'inconvénients d'un point de vue environnemental. En bout de tracé longeant l'autoroute, à Walhorn, la ligne nouvelle franchira cette dernière en tranchée couverte de 1 100 mètres afin de rejoindre la ligne classique au droit du viaduc « Hammerbrücke» : pour réaliser cette liaison, un viaduc de 264 mètres de long sera lancé au-dessus de la vallée du Ruyff.

LE TRONÇON HAMMERBRÜCKE - FRONTIÈRE ALLEMANDE

Du viaduc Hammerbrücke à la frontière, il reste moins de deux kilomètres, où TGV et autres trains se partageront... la ligne 37 « classique », qui a été complètement modernisée à cet effet à la fin des années nonante : ainsi, le viaduc Hammerbrücke, long de 285 mètres, lancé sur la vallée de la Gueule, a été complètement renouvelé en 1999. Plus à l'est, l'assiette de la voie a été complètement assainie et rectifiée, et son infrastructure (voies et caténaires) modernisée jusqu'à la frontière : la vitesse de référence pourra ainsi y être relevée à 160 km/h.

DE LA FRONTIÈRE À AIX-LA-CHAPELLE ET AU-DELÀ

Quelque cinq kilomètres séparent la frontière politique belgo-allemande de la ville d'Aix-la-Chapelle. On y compte au moins quatre points singuliers : un saut de mouton permettant le changement du sens de circulation (les trains roulent à droite en Allemagne..), un tunnel de 754 mètres actuellement en très mauvais état (le Buschtunnel), un plan incliné très raide, aux caractéristiques voisines des plans inclinés d'Ans, et une alimentation électrique en 3 000 volts jusqu'en gare d'Aachen HbF, équipée de voies commutables où les engins « polytension » peuvent changer de courant d'alimentation : le « 15 000 volts » est en effet de règle en Allemagne. Renseignements pris auprès des responsables allemands, le saut de mouton semble condamné à disparaître à terme. Le « Bushtunnel » sera dédoublé grâce au forage d'un second pertuis et assaini entre le début de l'année 2005 et la fin 2007. Les plans existent pour la rénovation de la gare d'Aachen Hbf. Par contre, à l'est de cet établissement, les plans de la Deutsche Bahn restent très flous... en tout cas jusqu'à Düren. Entre Düren et Cologne par contre, la Deutsche Bahn a profité de l'installation d'une ligne de SBahn (sorte de RER à la mode allemande) pour moderniser la ligne classique, où la vitesse devrait être portée à 250 km/h.

MISE EN SERVICE :

UN GAIN DE TEMPS CONSIDÉRABLE POUR LES VOYAGEURS

L'exploitation commerciale de la ligne nouvelle entre Liège et la frontière allemande est prévue à l'horizon 2007. Après réalisation de l'ensemble des travaux en Belgique et en Allemagne, Liège-Guillemins ne sera plus qu'à une vingtaine de minutes d'Aix-La-Chapelle.

Pour la relation Bruxelles - Cologne, les gains de temps sont plus éloquents encore : aujourd'hui les trains intercités parcourent le trajet Bruxelles-Nord -Louvain en 23 minutes. En 2006, le temps de parcours devrait être de 18 minutes. Autre exemple : depuis décembre 2002 et la mise en service de la section de ligne à grande vitesse entre Louvain et Liège, Bruxelles ne se trouve plus aujourd'hui qu'à 57 minutes de Liège... une quarantaine de minutes à l'horizon 2007.

Après l'achèvement de la modernisation de la ligne classique entre Bruxelles et Louvain en 2006 et la mise en service de la section de ligne à grande vitesse entre Liège et la frontière allemande en 2007 et une fois les derniers travaux terminés en Belgique et en Allemagne, Bruxelles ne sera plus qu'à environ 1 h40 de Cologne et 3 heures de Francfort.

Le progrès sera alors décisif par rapport à l'année de référence 1966, où, à l'occasion des mises en service de l'électrification entre Liège et Aix-la-Chapelle et des locomotives quadritension série 16, la SNCB et son homologue allemande, la DB, vantaient la rapidité des relations entre Bruxelles et Cologne, que l'on allait couvrir en 2h20.

Auteur : Roland Marganne

« Le rail »Mensuel des œuvres sociales de la SNCB avril 2005

 

Le « hit parade » des tunnels ferroviaires belges les plus longs

(plus d'un kilomètre)

Tunnel de Soumagne : 6 530 mètres (LGV 3 Chênée – Walhorn en construction)

Tunnel de Veurs : 2 074 mètres (ligne 24 Tongres – frontière allemande)

En fait, 2 074 mètres de long pour le pertuis de la voie « B » dans le sens Montzen-Visé et 2 061 mètres pour le pertuis de la voie «A» dans le sens Visé-Montzen.

Jonction Nord-Midi à Bruxelles : 1 963 mètres (ligne 0)

Tunnel du Cinquantenaire : 1 716 mètres (ligne 26 – ceinture est de Bruxelles)

Tunnel sous l'Escaut à Anvers : 1 665 mètres (ligne 59 Anvers – Gand)

Tunnel de Wonck : 1 637 mètres (ligne 24 Tongres – frontière allemande)

Tunnel de Sainte-Cécile : 1 365 mètres (ancienne ligne 163 A Bertrix – Muno)

Tunnel du Bois de la Cambre : 1 063 mètres (ligne 26 ceinture est de Bruxelles)

Tunnel d'Yvoir : 1 055 mètres (ancienne ligne 126 Ciney – Yvoir)

Construction du viaduc du Ruyff enjambant la ligne 37

Viaduc de José sur la ligne à grande vitesse L3 en chantier. Le viaduc de José est sensiblement parallèle à l'autoroute.

Viaduc de Herve en chantier .Les viaducs de José, Herve et Battice présentent une conception architecturale analogue.

Tunnel de Soumagne en chantier

 

Un train de légende

Depuis plus d'un siècle, le Transsibérien parcourt l'immense Russie, de Moscou à Vladivostock. Europalia et les Musées royaux du Cinquantenaire nous donnent l'occasion d'embarquer dans ce train de légende. Grâce à une exposition en forme de voyage poétique et documentaire, remarquablement sténographiée par François Schuiten. Par la fenêtre du wagon défilent des paysages fabuleux, fascinants, tragiques.

C’était un défi, tant le seul nom de « Transsibérien » fait rêver ; il évoque les infinis enneigés, les hivers à moins 70 degrés, l'épopée d'un train mythique qui offre à ses passagers un voyage express de douze jours et de plus de 9 400 kilomètres, à travers l'immense Russie, jusqu'aux portes de la Chine.

Comment, dans une exposition à Bruxelles, sur 1 500 mètres carrés, faire entrer toute cette épopée, toute cette neige, toute cette immensité géographique et cette diversité humaine ? Le risque était grand de décevoir les visiteurs.

 

UNE SCÉNOGRAPHIE REMARQUABLE

La muséographie de l'exposition que nous propose Europalia au Cinquantenaire parvient au contraire à nous enthousiasmer, à nous entraîner dans la poésie des grands voyages.

Tout en clair-obscur, pleine de surprises et de rebondissements dans ses dispositifs visuels, la remarquable scénographie de François Schuiten vise tout d'abord à nous donner une impression d'étendue et de mystère ; elle excelle à traduire la puissance des paysages traversés. Des tableaux prêtés par les musées russes déploient devant nos yeux toute la géographie sibérienne, ses steppes et ses forêts de bouleaux, ses tempêtes hivernales.

La visite elle-même se déroule comme un long parcours ferroviaire, jalonné de nombreux arrêts dans les principales gares du Transsibérien : de Moscou à Vladivostok en passant par Ekaterinbourg, Omsk, Novossibirsk, Irkoutsk...

L'atmosphère particulière des grands voyages est par ailleurs parfaitement illustrée par le paysage sonore composé par Bruno Letort ; il accompagne notre visite d'une sorte d'oratorio électroacoustique qui fait alterner les bruits du train avec des passages musicaux subtilement évocateurs.

L'histoire même du Transsibérien, des origines à nos jours, nous est rappelée, sans excès de didactisme, grâce à d'intéressants documents : archives, maquettes de trains, magnifiques plans de gare, objets ferroviaires, notes de voyage d'écrivains célèbres, extraits de films d'époque projetés sur des cartes de la Russie, photos actuelles de Marie-Françoise Plissart...

La construction du Transsib c'est son surnom en Russie commence en 1891, sur ordre de l'empereur Alexandre III. Elle progresse à raison de 600 kilomètres par an pour s'achever en 1898. Lancer une voie ferrée à travers les espaces sauvages et inviolables de l'Est répond au besoin de la Russie tsariste de s'affirmer elle aussi, face à l'Amérique, en grande puissance économique et industrielle. Ces travaux pharaoniques sont exécutés dans une extraordinaire atmosphère d’exaltation patriotique. Tous les journaux font l'éloge enflammé des ingénieurs et des ouvriers russes, exaltés en héros épiques de la nation capables des mêmes prouesses que leurs homologues américains. La construction de la nouvelle voie ferrée entraîne dans son sillage l'apparition de villes et de villages nouveaux. C'est un phénomène de civilisation et d'urbanisation spectaculaire qui s'apparente à la Conquête de l'Ouest.

Dans la conscience collective, le Transsibérien symbolisa d'emblée le progrès économique mais aussi politique de la Russie tsariste qui, dans la foulée, en 1898, décide d'abolir l'exil en Sibérie : « Quand le sifflement du train déchire la légende sombre et sauvage des vallées sibériennes endormies sous la neige, dont le silence n'est troublé que par le hurlement des loups et le cliquettement des chaînes de prisonniers, s'ouvre soudain devant les yeux de l'humanité un pays magnifique... », S’enthousiasme un auteur du temps.

Un pays magnifique en effet et d'une rare diversité, que l'exposition du Cinquantenaire explore avec brio.

Au pays du Dr Jivago

Si l'exposition rend hommage au Transsibérien, elle nous invite aussi à partir à la rencontre des populations et de l'histoire de la Sibérie.

Dans toutes les « stations » de l'exposition du Cinquantenaire, le visiteur voyageur est invité à débarquer et à partir à la rencontre d'une ville, d'un pays particulier, de son histoire, de ses populations autochtones et de leurs cultures traditionnelles. Car, tout au long du parcours du Transsibérien, vivent de nombreux groupes ethniques cohabitant avec les Russes de souche : finno-ougriens, turcs, mongols, toungouse-manghous, etc.

L'exposition met en lumière les éléments culturels les plus caractéristiques de ces peuples : bois sculptés de l'Oural, costumes, couvre-chef et tambourins rituels des chamans de Novossibirk, masques liés au culte de l'ours, tenues vestimentaires en peau de poisson des Nanaïs (Goldes)...

Au hasard de votre voyage transsibérien, vous rencontrerez aussi des personnages célèbres, comme Boris Pasternack à la station de Perm, grande ville de l'Oural. Dans son roman Le Docteur Jivago, Pasternak situe à Perm plusieurs épisodes de sa saga. A Omsk, on croise Dostoïevski qui fut déporté dans cette ville prison, de 1849 à 1853. Pour sa part, la station d'Ekaterinbourg est hantée par le souvenir des derniers Romanov. En 1918, la famille du tsar Nicolas II, prisonnière des communistes, fit le voyage d'Ekaterinbourg dans un train de la Compagnie des wagons-lits avant d'être assassinée. La « légende sombre » d'une certaine Sibérie reprenait son cours tragique.

Le temps des goulags soviétiques n'était plus très loin.

Infos pratiques

Lieu :

Musées royaux d'art et d'histoire, parc du Cinquantenaire,

10, à 1000 Bruxelles.

Jours et heures d'ouvertures :

Du mardi au dimanche,

De

10 à 17 heures.

Fermeture :

Le lundi, le 1er et 11 novembre,

Le 25 décembre et le 1er janvier.

Prix d'entrée :

visiteurs individuels 9 € ; pour les adultes, 7,50 € pour les seniors.

Visites en groupe : 7,50 €.

02/741 72 14.

 

Jean-Marie DOUCET